Dans les coulisses du parc d’Uluru
Le Mala Walk et Le Maruku Center
13 octobre. En route pour le boulot peu avant 6 h ce matin, nous dépassons le site où s'agglutinent les touristes venus admirer le lever du soleil sur Uluru. Amusant tableau que ce parfait échantillon des voyageurs que l'on peut croiser en Australie ! Répartis des deux côtés de la route sur plusieurs centaines de mètres, il y a les troupeaux d'Asiatiques fraîchement débarqués de leur bus climatisé, prenant le thé sur une chaise pliante ; les jeunes backpackers mal réveillés ayant opté pour un voyage organisé de trois jours incluant Uluru, Kata Tjuta et Watarrka ; et puis ceux qui ont fait la route par eux-mêmes, à bord de leur van bariolé ou de leur break plein à craquer. C'est facile de jouer les routards dédaigneux (« Ah non ! moi je ne me mêle pas à ces moutons de touristes ! »), mais à ce moment précis, je suis bien contente de savoir que pour le même prix que ce que ces gens ont dépensé pour voir Uluru pendant trois jours, j'ai l'occasion d'y passer deux semaines et de visiter des sites auxquels ils n'ont pas accès.
Tous les jours à 8 h, un ranger propose une promenade guidée d'environ 1 h 30 le long d'une portion du sentier qui fait le tour d'Uluru. Le Mala walk débute au pied de la montée du rocher et se termine 1 km plus loin, devant un trou d'eau dans un recoin d'Uluru nommé Katju gorge. La promenade tient son nom du mala, l'un des principaux êtres ancestraux liés à l'histoire mythique d'Uluru.
Nous retrouvons Jen, qui encadre la marche aujourd'hui. Elle nous guide le long de la base du rocher, s'arrêtant régulièrement pour nous donner quelques explications. La grotte d'Itjaritjaritu a été creusée par l'être ancestral éponyme, une taupe marsupiale ; les trous dans la roche qui l'entourent sont les traces de ses premières tentatives échouées. Plus loin, Mala Puta (ou poche du mala, mais cela a une autre traduction qui fait bien rire l'Espagnole du groupe) est un site sacré féminin, un trou béant dans la roche dont la forme et le nom sont associés au thème fondamental de la fécondité. Nous observons aussi des peintures rupestres défraîchies par les années. Elles représentent de façon stylisée des trous d'eau, la flore et la faune locales, et servaient probablement à enseigner aux plus jeunes comment survivre dans le bush. Jen pointe également un exemple étonnant de la végétation locale. Le blood wood tree (un eucalyptus) se protège de la sécheresse en cessant d'irriguer certaines de ses branches, qui meurent rapidement ; sa sève est notamment utilisée comme antiseptique par les Aborigènes.
Une fois la promenade terminée, nous reprenons le travail, ce qui est pour moi l'occasion d'une expérience inattendue : la visite du tip, la décharge du parc, où nous nous débarrassons des sacs de buffel grass récoltée ce matin. Ironiquement, cet endroit nauséabond est situé à quelques centaines de mètres du rocher, offrant l'une des meilleures vues sur Uluru qui m'aient été données jusqu'ici.
L'après-midi est consacré à la visite du Maruku Arts and Crafts Center, le siège d'une coopérative artisanale aborigène situé à Mutitjulu. Nous avons rendez-vous avec Steve, qui accepte de nous en présenter l'entrepôt et de nous expliquer le fonctionnement de la coopérative. Toutes les six à huit semaines, des acheteurs font la tournée d'une vingtaine de communautés aborigènes du Territoire du Nord, d'Australie occidentale et d'Australie méridionale. Ils en rapportent des sculptures sur bois qu'ils achètent cash aux artistes aborigènes. Ces objets, qui transitent par l'entrepôt de Mutitjulu où ils sont traités à la cire, enregistrés et dotés d'un certificat d'authenticité, sont ensuite revendus à la boutique du centre culturel du parc, ou bien à l'occasion d'expositions d'importance nationale (à Darwin, Sydney, Melbourne, etc.) et internationale (Munich, Chicago). Nous avons la chance d'avoir directement accès à l'entrepôt et à des prix plus abordables que dans ces endroits : la fourchette va d'un petit 3,85 $ (2,40 €) à 3 850 $ (2 413 €). C'est donc avec avidité que nous nous jetons sur les instruments et armes traditionnels (récipients utilisés pour la cueillette, bâtons à musique, lances, propulseurs, etc.) et autres objets d'art (serpents, perenties, oiseaux sculptés) qui feront des cadeaux de Noël originaux.
Texte : Clémentine Bougrat
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