Dans les coulisses du parc d’Uluru

Bob Randall et Kanyini

Bob Randall et Kanyini
Clémentine Bougrat

14 octobre. L'heure du départ est déjà venue. Avant de reprendre la route pour Alice Springs, nous avons un dernier rendez-vous à Mutitjulu, avec un personnage hors du commun. Bob Randall est le directeur de la clinique de la communauté. C'est surtout un vibrant ambassadeur de la culture aborigène et le témoin direct de l'une des périodes les plus troubles de l'histoire de l'Australie : celle où le gouvernement fabriqua, du début du XXe siècle à la fin des années 1960, ce que l'on nomme la génération volée. Bob en est l'exemple typique : fils du propriétaire blanc d'une station de bétail et d'une femme aborigène, il fut enlevé, enfant, à sa mère et placé dans une mission à Alice Springs. On lui donna une date de naissance approximative, vers 1927-28, ce qui lui faisait alors un âge de sept ans et, aujourd'hui, d'environ soixante-dix-sept ans. Ce presque octogénaire en paraît soixante et ne manque pas d'énergie. Cheveux longs et gris, barbe taillée en pointe, chapeau de cow-boy, jean et chemise en jean, il nous reçoit chez lui avec sa femme Hazel, artiste-peintre et sculpteur, pour nous faire partager son histoire et sa culture. Des œuvres de Hazel trônent dans le patio décoré de fanions bouddhiques où ils nous reçoivent. Elles illustrent chacune des quatre chansons que Bob nous interprète, en anglais et s'accompagnant à la guitare. Elles sont de sa composition et racontent la culture aborigène, son enlèvement, la lutte de sa mère pour empêcher celui d'une autre de ses enfants, et enfin une nouvelle période sombre de l'histoire australienne que les Aborigènes appellent The Killing times (ou le temps des massacres). À cette époque où l'Australie était encore un continent à conquérir pour les Blancs, beaucoup n'hésitèrent pas à massacrer, dans des conditions atroces, les Aborigènes en travers de leur route. Une grande peinture murale sur soie de Hazel illustre la chanson et certains massacres dont on a recueilli le témoignage : des enfants enterrés jusqu'à la tête qui deviennent un ballon de foot pour leurs bourreaux ; l'histoire de Mrs Buntine qui, lassée de l'accord qui prévoyait qu'elle nourrirait des Aborigènes en contrepartie de l'exploitation de leurs terres, les força à fuir jusqu'à la mer où tous se noyèrent…

Cette introduction émouvante terminée, nous passons au salon où Bob nous projette un documentaire dont le montage a été bouclé il y a à peine une semaine, Kanyini. Il en est le personnage principal et le fil conducteur, racontant ici encore son histoire personnelle pour en faire le reflet du drame de l'acculturation qu'ont subie les Aborigènes australiens en deux cents ans de vie commune avec les Blancs. De magnifiques images d'archives en noir et blanc, montrant des Aborigènes nus au milieu d'une nature généreuse et des enfants souriants, contrastent cruellement avec celles d'un Mutitjulu délabré et nauséabond, où des hommes et des femmes à la vie gâchée, sans repères ni buts, déambulent en maintenant parfois sous leur nez une vieille boîte de conserve remplie de pétrole. Entre ces images, a eu lieu le choc irréversible d'un changement brutal et imposé de leur mode de vie, la transformation d'un peuple nomade de chasseurs-cueilleurs en sédentaires parqués dans des réserves. Kanyini, le titre du film, évoque un concept aujourd'hui détruit qui guidait autrefois leurs vies. Il s'agit de l'interconnexion primordiale entre le Tjukurpa, le Kurunpa (spiritualité collective), le Walytja (la famille au sens élargi, telle que la conçoivent les Aborigènes, comportant des liens de sang et des liens spirituels) et le Ngura (la terre sur laquelle ils vivent). Aujourd'hui déracinés et coupés de leurs valeurs traditionnelles, les Aborigènes ont vu s'éparpiller les liens entre ces valeurs essentielles : leur Kanyini est en miettes.

Il reste heureusement de nombreuses personnes comme Bob qui tentent d'empêcher la si riche culture aborigène de disparaître, en la racontant sous différentes formes : musique, vidéo, arts plastiques, etc. Reste maintenant pour Bob à trouver un distributeur pour Kanyini, une tâche pas forcement évidente pour ce sujet délicat. Comme dans toutes les périodes difficiles de l'histoire, certains préfèrent garder les souvenirs enfouis plutôt que de remuer un passé encore douloureux.

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Texte : Clémentine Bougrat

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