De Rotterdam à 's-Hertogenbosch, en route vers Jérôme Bosch

Forum Pays-Bas

Il ne manquait qu’une occasion pour que ma compagne et moi nous nous précipitions aux Pays-Bas, ce plat pays qui, pour beaucoup, se résume à une seule et magnifique ville : Amsterdam. D’ailleurs, quand on part en quête d’un guide touristique, force est de constater que les 9/10ème lui sont uniquement consacrés. Est-ce à dire que le reste ne vaudrait pas la peine ? Que nenni.

Férus de peinture flamande, nous avons décidé d’aller passer quatre jours en week-end, avec comme point d’orgue la visite d’une exposition exceptionnelle consacrée à Jérôme Bosch, présentée dans sa ville natale, 's-Hertogenbosch (à vos souhaits !), plus communément appelée chez nous Bois-le-Duc. Paradoxe d’une ville de naissance dont le musée phare (Noordbrabants Museum) ne possède aucune œuvre.

Mais avant d’arriver à 's-Hertogenbosch, histoire de ménager le suspens esthétique, plutôt que de changer à Amsterdam comme conseillé ça et là, (le trajet étant extrêmement long), nous avons passé une nuit à Rotterdam, ville ô combien particulière, à priori aux antipodes de l’élégance d’Amsterdam. Son centre ayant été largement bombardé pendant la guerre, il est devenu un laboratoire de la modernité architecturale. Curieux d’aborder ce week-end sous cet angle, nous avons atterri au Nhow Hotel, designé ni plus ni moins par Rem Koolhaas, le fameux architecte néerlandais.

L’architecture contemporaine c’est dès la sortie de la gare de Rotterdam qu’elle saute aux yeux. On est frappé aussi bien par sa construction curieuse, inaugurée en 2014. Tout autour, des bâtiments imposants, certains dont la massivité apparente est tempérée par une jeu de reflets sur les vitres, qui leur confère un aspect transparent. Il faut lever la tête pour contempler ces immeubles, dont la couleur de certains égaient l’œil. Pourtant, en longeant un canal pour se rendre dans le Sud, on est surpris de constater que de par et d’autres, dans un contraste saisissant, des bâtiments plus anciens, certains du 19 ème siècle, sont bel et bien présents. Et l’on se plaît à admirer ces façades finement ouvragés, où les vitres présentent souvent des décorations magnifiques, sous forme de vitrail. Travail assez caractéristique du Jugendstil, terme allemand désignant l’Art Nouveau, dont la Hollande a su également livrer des ouvrages caractéristiques.

En matière de nouveauté, le Nhow Hotel, logé sur le quai Wilhelmina, son caractère imposant le disputant au pont Erasmus à côté, trônant au dessus de la Meuse. Dans ce quartier où l’ancien (comme l’hôtel « New York », dont le seul nom renvoie à un point de départ vers les Amériques) voisine avec des bâtiments en construction, on peut être pris d’impressions diverses, comme lorsque l’on ouvre la fenêtre de sa chambre, pour voir des chantiers juste à côté. Un album posé dans la chambre relate à coups de photos esthétisantes, la progression de la construction de l’hôtel. Rien de sinistre dans cette vision, malgré le fait que lorsqu’on se promène dans la proximité de l’hôtel, on a tendance à se demander si les immeubles à côté desquelles on passe – d’où n’émanent aucune lumière -, n’attendent pas leurs premiers locataires.

Le lendemain, dimanche, départ en train pour 's-Hertogenbosch, avec un changement à Breda, les possibilités d’un accès direct étant limitées ce jour-là. Une bonne heure et demi en tout, le temps de contempler les paysages par les fenêtres, pour conforter les impressions dominantes sur ce pays, décidément plat.

L’arrivée dans cette petite ville de province, au nom plus que méconnu (sauf des férus de peinture et des amateurs… de foot, leur équipe ayant déjà participé à des compétitions européennes) est, dès la sortie de la gare, emballante. Le temps de filer à pied vers notre hôtel (Eurohotel, de la chaîne Best Western), on admire les magnifiques façades d’immeubles, là aussi souvent ouvragés. Les amateurs de canaux propices à la flânerie romantique n’y trouveront pas les mêmes ici : ils ont l’air presque cachés, puisque vraiment disposés en contrebas. C’est presque par surprise que l’on verra passer, en ce froid dimanche d’avril, un peu plus tard, un canoë transportant des touristes emmitouflés dans leur ciré.

Vient le lundi, le jour que nous avons choisi pour aller visiter l’exposition sur Bosch, consacré au 500ème anniversaire de sa mort. Les billets avaient été réservés depuis Paris, pour une tranche horaire précise, au prix certes non modique de 22 euros, mais vu le caractère exceptionnel de l’événement, il convient de ne pas faire la fine bouche. D’autant plus que le billet donne aussi accès à l’autre important musée de 's-Hertogenbosch, le Stedelijk (à ne pas confondre avec l’un des musées majeurs d’Amsterdam). Nous nous y sommes rendus en premier, histoire de se mettre en jambes et de caler nos rétines sur de belles œuvres. Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir une belle exposition temporaire intitulée « Modern Classics », consacrée au travail avec les bijoux et la céramique d’artistes à peu près tous inconnus sous nos latitudes : Georges Braque, Alexandre Calder, Marc Chagall, Jean Cocteau, Raoul Dufy, Lucio Fontana, Meret Oppenheim, Pablo Picasso, Man Ray, Maurice de Vlaminck. Du très beau monde, quoi. Et un travail en tout plan magnifique, axé sur la collaboration avec des artisans.

Puis, plus tard, après avoir encore flâne dans cette ville tranquille, dont le centre historique est interdit aux voitures (ce qui en accentue le caractère campagnard et villageois), ce n’est pas sans une certaine excitation que l’on s’est enfin rendu au Noordbrabants Museum, quelques minutes avant l’heure définie – pour être implacablement refoulés et invités (avec le sourire) à revenir au moment précis.

Que dire sinon de cette expo tant espérée, passée la crainte principale pour un événement aussi rare : la foule ? En effet, il y avait du monde pour s’amasser devant les toiles de Bosch, chacun cherchant à percer, dans ce foisonnement visuel invraisemblable, les bizarreries les plus refoulés dans chaque coin de tableau. Foule, oui, et qui appelait, plus que jamais, une patience soutenue, avant d’avoir sa part de vision, sa quête des détails du bestiaire fantastique du peintre hollandais. Mais précisément, devant le petit nombre de tableaux exposés, cette patience et la lenteur obligée de la visite, deviennent nécessaires. Étirer le temps pour mieux arriver à prendre la meilleure place, la plus convoitée, pour contempler à sa guise cet univers magique. Outre une organisation remarquable, il n’y avait plus qu’à tirer le chapeau.

Mardi. Dernier jour de notre week-end prolongé. Avant de reprendre le train en fin d’après-midi, nous décidons d’aller explorer la cathédrale Saint-Jean, l’un des monuments phare de 's-Hertogenbosch. A l’occasion du 500ème anniversaire de Jérôme Bosch, des visites guidées sont proposées aux touristes, à l’intérieur de cet édifice gothique érigé entre 1370 et 1529. Le clou de la visite reste la possibilité d’accéder, par des passerelles, à un très grand nombre de sculptures façonnés sur les arc-boutants. Autant le dire : ce fut sans doute LA surprise de ce week-end, car les sculptures, que l’on peut voir exceptionnellement de près, au nombre de 96, sont remarquables de réalisme. Qu’elles représentent un grand nombre de métiers, des figures fantastiques (pas jusqu’au débordement imaginaire boschien, quand même), la qualité plastique, l’expression des visages de nombre de personnages (enfants adultes, vieillards), jusqu’aux animaux, tout y est remarquable. De ces hauteurs, on obtient une très belle vue sur la ville. De quoi conclure ce beau week-end sur une note… élevée.


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