30% des pousadas nouvellement ouvertes au Brésil font faillite en moins d’un an.
Je n’ai pas les données par catégories, mais je suis porté à croire que cette sélection darwinienne frappe surtout les gringos ignorants des moeurs et coutumes locales.
Chaque année, j’en croise là-bas avec le même discours: “ah je vais ouvrir des chambres d’hôtes, un hôtel, un restaurant, ce pays est vraiment trop super!” Rien à faire pour leur faire intégrer que la vision qu’on a d’un pays quand on est détendu et en vacances n’a rien à voir avec celle du même pays quand on y bosse.
D’ailleurs, je n’essaie même plus: on n’est pas écouté, et après les mêmes vous haïssent parce que comme vous avez eu raison, vous êtes le miroir de leur échec. Le messager porteur de mauvaises nouvelles doit être exécuté.
Surtout dans le domaine de l’hôtellerie, qui est un métier, un vrai.
Quant à la restauration… “je ne sais rien faire alors je vais ouvrir un resto, pour gagner du fric sans trop me casser la tête”, plantage assuré même chez nous (il y a pas de plus dur métier, de plus incertain) alors en plus, à l’étranger!
Parce que le personnel, les clients, les fournisseurs ont des modes de fonctionnement aux antipodes des notres (je n’écris pas pires, ils ont leurs qualités ; j’écris différents) et sauf à avoir des finances illimitées le temps d’essuyer les plâtres et de se mettre à la page, le plantage est quasiment assuré.
Plus l’insécurité juridique. Souvenir ému (et amusé, parce que c’était une grande gueule qui savait tout mieux que tout le monde) de ce Français qui a acheté une charmante auberge sur une sublime plage du Nordeste… lui seul sur place ne savait pas que la jolie dune, à 200m de là, la recouvrirait immanquablement au bout de cinq ans (eh oui une grande dune, ça bouge) Chez nous, les formalités sont chiantes et pénibles, mais au moins on a le certificat d’urbanisme obligatoire qui recense tout ces aléas (encore faut-il le lire). Vous devinez la fin de l’aventure.
Un autre aussi qui a acquis une pousada de charme dont l’argument commercial reposait sur la tranquillité absolue. Six mois après, une boate ouvrait à 50m, avec sa musique à 130db tous les week ends. Aucun recours.
Il survit (mal) après avoir reconverti sa pousada de charme en motel - c’est à dire un hôtel où on paye à l’heure pour forniquer en sortant de la boate. C’est sympa, de manipuler des draps sales à chaque rotation de couple, de compter les capotes (en ramassant les usagées) et les savonnettes, de vérifier les âges des entrants (en subissant des menaces) pour ne pas être taxé de complicité de pédocriminalité. Ca valait vraiment la peine de changer de continent pour trouver une vie plus cool… Il essaie de vendre, à quart de prix de l’investissement initial. Sans succès pour le moment. Là encore, “chez nous” une boate sonore n’aurait pas pu se poser dans une telle zone
Le commerce, l’import export? Oui c’est une bonne option! Mais là encore à condition de travailler, de s’informer, de surveiller et ça prend du temps.
Déjà, étude de marché. Ensuite, travail juridique pour avoir des exclusivités pour un temps donné, ne pas se faire piquer la bonne idée une fois la prospection faite (c’est du vécu).
Un despachante est payé pour faire les formalités chronophages à votre place et parfois à graisser les rouages (traduction: corrompre) quand c’est indispensable non pas pour sortir de la légalité, mais pour survivre: quand un employé bloque le tampon sur un formulaire, empêche ainsi le conteneur de sortir du port et qu’on paye 200 euros par jour de consignement, quoiqu’on en pense, il vaut mieux payer un backchich - et alors le despachante “honnête” sait qui il faut payer, et combien.
Mais si vous ne surveillez pas votre despachante, si vous ne le contrôlez pas a posteriori, très gros risque d’être vraiment mal^^
Je ne dirai jamais qu’il ne faut pas s’expatrier, que l’échec est assuré. D’ailleurs je suis sorti un temps du cocon de la fonction publique pour le faire, et j’ai réussi (en bossant très dur, avec pas mal d’insomnies dues au stress et même à la peur si j’ai eu aussi des moments de paradis: bilan très positif)
Mais oui, je maintiendrai toujours que sauf exceptions rarissimes, il faut s’attendre à bosser dur et à devoir endosser des risques. Autant le savoir avant de démarrer.
Et au final, les pays où sur le plan administratif on peut se poser facilement sont à mon avis des pièges redoutables.
Parce que si on flanche devant les formalités pour avoir sa carte de séjour, si on n’est pas capable d’apprendre la langue locale, ce n’est même pas la peine de rêver. Autant avoir cette sélection d’entrée de jeu.
D’ailleurs les forums consacrés à l’expatriation sont plein de velléitaires qui s’informent, et dès qu’on leur signale qu’on ne les attend pas spécialement où ils envisagent d’aller, qu’il faudra aussi se coltiner avec la réalité, ils disparaissent sans laisser de trace Fin du rêve pour eux, avant de passer au rêve suivant.