Certains membres, j’en suis sûr, veulent apprendre ce qui s’est passé sur la RC4 en octobre 1950. Comme ils peuvent toujours rêver d’avoir une réponse de zab2013, alias l’ignoble Fabien Vuillerey qui me crache dessus depuis 15 ans et essaie toujours, le pauvre, de me “coincer” alors qu’il est aussi ignorant qu’alcoolique et drogué, voila (extrait de mon livre Le Fer et l’Aiguille, en cours de publication - 1010 pages en cours de négociation de publication en France ; si ça intéresse quelqu’un, il n’a qu’à me donner son adresse email en MP et je vous l’envoie , car dossier trop gros pour mettre sur ce forum - je précise que l’ambassadeur de France au Vietnam lui-même l’a lu et m’a envoyé un message - que j’ai évidemment bien conservé au cas où… "Remarquable, très informatif, facile à lire, etc.) :
Premier coup de théâtre Viêt Minh le 25 mai 1950 à 6h45. Giap a installé son quartier général dans les montagnes boisées et les grottes du village de Duc Long, à 20 kilomètres au nord de Đông Khé, donc à seulement 15 kilomètres de la frontière (on peut y visiter un intéressant petit musée, la grande maison thaïe de Giap et Hô, et les installations camouflées sous la jungle et dans les innombrables grottes) ; des conseillers chinois sont à ses côtés. Suivant le conseil du général chinois Chen Geng, la division d’élite viêminh 308 arrose au canon de 75 et au mortier non plus un poste isolé, mais la citadelle de Đông Khê. La garnison, composée de Tirailleurs marocains et de partisans, oppose une résistance acharnée, mais l’artillerie Viêt Minh détruit les défenses petit à petit et les vagues d’assaut se succèdent jours et nuits, jusqu’à 2h le 27. Les survivants français se replient sur Thât Khê alors que les Tabors de Lang Son, envoyés en renfort, se sont rapprochés de Đông Khê, mais n’ont pas pu franchir les crêtes entourant la cuvette. On apprendra plus tard que c’est l’Oncle Hô lui-même qui a décidé de l’objectif, en expliquant à Giap : « Đông Khê sera le premier objectif et on attaquera les colonnes de secours », et que Giap a fait construire en Chine avec l’aide de 20 000 coolies chinois une réplique grandeur nature de Đông Khê afin que ses troupes puissent s’entrainer à s’en emparer sans coup férir. Là, c’est infiniment grave pour les Français, car la R.C. 4 est maintenat coupée en deux. Le 27 mai en fin d’après-midi, le 3e B.C.C.P. saute directement sur le bourg et le reprend. Dès le 2 juin, des patrouilles françaises rayonnent autour de Đông Khê, mais ne rencontrent aucun Viêt Minh, sauf une colonne à cinq kilomètres au nord-est du bourg, qui se dirige vers la Chine et que la Chasse décime. À partir du 5 juin, une opération « Lumière » est lancée, ayant pour but de « disloquer le dispositif en cours de mise en en place autour de Cao Bang en infligeant aux rebelles le maximum de pertes » et, entre Đông Khê et Thât Khê, « de contraindre les rebelles à s’éloigner de la R.C. 4. » Un rêve !!! lesdits rebelles sont en Chine ou bien camouflés dans la jungle côté Tonkin, d’où ils tendent d’innombrables embuscades. Toutefois, le haut commandement est tranquillisé, à tort, car il ignore la méthode communiste consistant à décortiquer les raisons d’un échec – là, conserver Đông Khê – et à recommencer après avoir pris les mesures nécessaires.
Le 7 juillet 1950, Chen Cheng et une vingtaine d’officiers d’infanterie, des Transmissions et du Service de la Santé franchissent la frontière et procède à une reconnaissance approfondie du secteur Cao Bang-Đông Khê. Il réalise rapidement que Cao Bang est trop solidement défendu et qu’il faut que le Viêt Minh s’empare tout d’abord de Đông Khê et Thât Khê avant de se lancer sur Cao Bang, qui reste l’objectif principal. Le 26, il soumet ce plan à Hô Chi Minh, puis à Mao et enfin à Giap : les trois l’approuvent. De son côté, l’incapable commandant en chef français Carpentier retire les Tabors marocains, une troupe de grande élite cantonnée à Cao Bang, et dissémine le 3e Régiment Étranger d’Infanterie dans une douzaine des postes entre la place forte et Lang Son, le colonel Charton étant en charge du secteur de Cao Bang, ravitaillé par avion. En effet, Carpentier pense toujours qu’il faut défendre la R.C. 4 pour faire « office de brise-lames face à l’offensive ennemie » vers le delta. Toutefois, le 5 août, le général reçoit de Paris un message l’autorisant à évacuer Đông Khê si besoin est. Fin août, les services secrets français informent Carpentier que des milliers de bô đôi à l’entrainement en Chine se dirigent vers la frontière. Comme l’écrit Lucien Bodard, « le raz de marée Viêt Minh n’est plus une hypothèse, mais une certitude ». Léon Pignon, représentant de la France pour l’Indochine, et qui était à Paris, arrive le 2 septembre à Saïgon, où lui et Carpentier prennent enfin la décision qui s’imposait depuis longtemps, l’évacuation de la R.C. 4 entre Cao Bang et Thât Khê, mais y ajoutent en compensation une décision désastreuse, l’occupation de Thaï Nguyên, porte ouest du delta au départ de ce secteur et qu’ils pensent être toujours la « capitale » du Viêt Minh. ; or, le viêt minh l’a évacué, maiz manqueront cruellement sur la RC 4 les troupes, artillerie et aviatio engagés dans cette opération inutile. On pense tout d’abord à évacuer Cao Bang par avion, mais les moyens aériens sont insuffisants. Restent deux solutions. La première est le repli de la garnison de Cao Bang par la R.C. 3, direction sud-est vers Bac Kan, moins dangereuse, car les Viêt y sont moins nombreux et c’est beaucoup plus de loin de la frontière chinoise, puis de Bac Kan à Thaï Nguyên, qui devra être occupé auparavant, tandis que la garnison de Đông Khê se replierait sur Thât Khê par la R.C. 4. La deuxième solution est le repli de toutes les garnisons par la R.C 4 ; le colonel Lepage remonterait la route à partir de Lang Son jusqu’à Thât Khê, à pied, car elle est coupée en de multiples endroits après Na Sâm, pendant que Charton évacuerait Cao Bang, les deux colonnes devant faire leur jonction à Thât Khê. Avantage : moins de distance à parcourir ; dangers : présence de milliers de bô đoi en Chine à quelques kilomètres de la frontière et présentation de son flanc à l’ennemi, situation toujours périlleuse comme ont pu le constater à leur dépens les Allemands pendant la première bataille de la Marne. C’est toutefois cette solution qui est choisie. Le 16 septembre, Carpentier ordonne l’évacuation de Cao Bang et l’attaque sur Thaï Nguyên pour le 1er octobre.
Incroyable, mais vrai, c’est également le 16 septembre, à 7h, qu’arrive le pire pour les Français. Giap dirige une deuxième attaque de Đông Khê avec les 10 000 hommes de la 308 et une grosse artillerie qui pilonne le poste pendant trois jours ; le mythe du manque d’artillerie Viêt Minh, devrait s’effondrer, mais le haut commandement ne tient aucun compte de cette nouvelle situation. La citadelle tombe le 18. La R.C. 4 est coupée pour la deuxième fois ; le 1er B.E.P. saute sur Thât Khé, mais échoue dans sa tentative de reprendre Đông Khê ; le même jour, 18, Carpentier arrive à Lang Son et, incroy-able, mais hélas vrai pour les Français, il maintient son ordre d’évacuation par la R.C. 4, en y apportant une variante : la mission de Lepage n’est plus d’atteindre Thât Khê et d’y attendre Charton, mais de reprendre Đông Khê, alors que Lepage aurait pu facilement retourner à Thât Khê et Charton emprunter la R.C. 3. J’ai au sujet de cette impensable décision un document exceptionnel et inédit daté du 20 septembre 1950, une autre lettre du médecin-capitaine Asquasciati envoyée de Thât Khê à sa famille. Je cite :
Carpentier donc est venu nous voir. Il est resté 15 mn à peu près. Je l’estimais avant, mais après ! Voici ses propres paroles :
« Messieurs, des évènements pénibles se sont déroulés à Đông Khê. Croyez-bien que je n’en ai pas dormi. Le commandement a fait tout ce qu’il a pu…. Nous allons évacuer toutes les familles de Cao Bang… »
1ère ineptie : Il déclare avoir tout fait pour secourir Đông Khê ; or, pas un seul homme n’a été envoyé ou parachuté…
2e ineptie : Renvoyer toutes les familles des partisans. Ils ne peuvent pas voir les Annamites, donc le delta ne les intéresse pas. Tout ce qu’ils demandent, c’est de vivre ici avec leur famille… Si on les sépare, ou ils partiront se réfugier dans les montagnes, ou ils voudront tous partir à Lang Son… On fut obligé de leur dire de rassurer ces familles en leur disant que rien ne serait fait.
Avant que Carpentier et sa suite ne partent, on a chacun pris l’un des hauts personnages de l’escorte pour leur dire « qu’on avait été profondément étonné du fait qu’absolument rien n’avait été fait pour secourir ou débloquer une garnison attaquée. »
Cela dit tout et il faut le RÉPÉTER partout :
Tout s’est passé comme un CRIME perpétré par le COMMANDEMENT FRANÇAIS ou prétendu TEL. INCONSCIENCE, DÉBILITÉ MENTALE et CYNISME sont à la barre de l’Indochine.
Dans L’Humiliation, Bodard raconte un fait qui prouve encore plus l’incompétence totale du haut-commande-ment aussi bien à Hanoï qu’à Saïgon. Les Français trouvent sur le corps d’un commissaire politique tué à Đông Khê un carnet dans lequel est écrit : Vers le 20 septembre, nous attaquerons à nouveau. Nous serons beaucoup plus forts. Jusqu’à présent, nous n’avions que la 308 ; il y aura alors deux ou trois divisions de plus. Nous prendrons Thât Khê, puis Cao Bang complètement isolé, puis nous nous porterons en masse sur Lang Son. Ce sera facile, car le moral du Corps expéditionnaire aura été complètement ébranlé par nos premières victoires. En plus, le 22 septembre, des éléments du 1er B.E.P. surprennent et capturent à Poma une colonne de porteurs du 40e bataillon d’artillerie Viêt Minh qui amène de Chine du matériel, dont des obus de mortiers de 81 mm et de canons de 75. Des prisonniers expliquent que 12 nouveaux bataillons sont passés dans la région après avoir reçu 6 canons de 75 et un important armement individuel, et qu’ils sont à une journée de marche de Đong Khê ou de Thât Khê. Le 23 septembre, tout de même un peu inquiet, Carpentier ramène 3e Tabor de Thât Khé à Lang Son (affaiblissant ainsi les forces du poste) pour le transporter par avion sur Cao Bang. Malgré tout, le 29 septembre, Charton reçoit de Lang Son l’ordre d’évacuer immédiatement Cao Bang. Il proteste énergique-ment, demandant soit que l’évacuation se fasse par la R.C. 3, toujours libre et au milieu de laquelle le célèbre capitaine de la Légion Mattéi a construit un fort pratiquement imprenable à Ban Kéo (il a été dynamité en 1954), soit qu’elle ne commence que lorsque Lepage a repris Đông Khê. Il se fait durement rembarré par Constans. Ordre maintenu en dépit du fait que, le 1er octobre, Alessandri fait état via le Deuxième Bureau une note affirmant que « grâce à l’aide chinoise, le commandement VM a pu mettre sur pied 32 à 37 bataillons, dont 6 lourds » Charton fait évacuer le maximum de civils par avion. Le même 29 septembre, c’est l’expédition démente sur Thaï Nguyên : 16 bataillons, 2 escadrons de chars, 4 groupes d’artillerie, 800 véhicules et presque toute l’aviation sont ainsi envoyés, une énorme opération de plus de 10 000 hommes, pour rien car le Viêt Minh est sur la R.C. 4, et Carpentier le sait, mais pense que Giap détournera ses forces de la R.C. 4 pour reprendre la ville ; inutile de préciser que toute cette armada aurait été bien utile au-dessus de Đông Khê !).
Le 2 octobre, la colonne Lepage arrive à la hauteur de Đông Khê et en occupe certaines hauteurs entourant la cuvette, mais elle se fait décimer par l’artillerie viêt minh, échoue à reprendre le poste central et est maintenant violemment attaquée. La R.C. 4 reste bloquée. Incroyable, mais vrai, Charton n’en est pas informé ; il ne l’est que le 4 et a déclaré plus tard : « Si je l’avais su, j’aurais foncé. » Charton se lance sur la R.C. 4 le 3 octobre avec 2700 hommes de troupe, les 500 civils restant, des camions et de l’artillerie légère, ce qui explique en grande partie l’échec de l’évacuation, civils et matériel ralentissant la colonne. Incroyable, mais vrai, Lepage apprend l’évacuation de Cao Bang non pas par Lang Son, mais par un de ses opérateurs-radio qui, en cherchant à contacter Lang Son, tombe par hasard sur une radio de Singapour rapportant l’opération. Rien ne se passe comme prévu malgré l’incroyable héroïsme des troupes de Lepage, qui sont toujours assaillies et subissent de lourdes pertes. Đong Khê étant infranchissable, Charton reçoit à midi de Lang Son l’ordre de prendre une minuscule piste de jungle isolée, celle de Quang Liet, qui contourne le bourg par le sud-ouest, mais n’existe que sur les cartes d’état-major. Le colonel se voit obligé de détruire tout son matériel roulant et son artillerie, et tout le monde s’engouffre sur ce sentier à la queue-leu-leu, plus de 3000 personnes en une file de plusieurs kilomètres de long avançant à pas comptés, car il faut « ouvrir » au coupe-coupe cette piste inutilisée depuis longtemps (en fait, les Français ont eu du mal à en trouver l’entrée tellement elle était dévorée par la jungle). La progression est de quelques centaines de mètres par heure, ce qui donne à Giap tout le temps nécessaire pour resserrer son dispositif. La plupart des civils périssent de faim, de soif et d’épuisement et tous les blessés que l’on ne peut pas transporter sont abandonnés le long de la piste. Le 4 octobre, Lepage, complètement encerclé, prend une décision désastreuse, regrouper toutes ses troupes dans une cuvette au sud du bourg, celle de Coc Xa, dominée par de hautes falaises abruptes d’un côté et des monts couverts de jungle de l’autre, deux côtés où se sont massés les viêt minh. La seule issue partant de Đông Khê est un minuscule sentier à flanc de falaise qu’il faut descendre de nuit. Une fois dans la cuvette, les troupes de Lepage sont décimées par le Viêt Minh, qui les attendait. Le 6, arrivé à la hauteur de Đông Khê, en bon soldat, Charton fait monter tout son monde sur les crêtes dominant la piste, mais Lepage lui lance des messages d’appel au secours désespérés (il ne lui reste que 560 hommes sur les 2000 du départ). Charton fait donc descendre ses troupes dans la cuvette de Coc Xa pour essayer de le secourir. C’est le rendez-vous de la mort ; le 7 octobre 1950, les deux colonnes sont anéanties dans la cuvette.
Le bilan est terrible pour les Français : huit des meilleurs bataillons du Corps expéditionnaire sont anéantis (du millier de soldats du 1er B.E.P., il reste 23 survivants). Les chiffres varient selon les auteurs, mais établissent généralement environ 700 rescapés sur les plus de 6000 hommes engagés, 2000 morts et disparus. Sur les quelques 3000 prisonniers, les Français ne récupéreront en septembre 1954 qu’une centaine ; tous les autres ont péri d’inanition et de maladies lors de « Marches de la mort » vers les lieux de détention et dans les terribles camps Viêt Minh (Hélie de Saint Marc, qui a connu Buchenwald à 16 ans en tant que résistant déporté, écrit dans ses Mémoires de braise qu’ils étaient pires que les camps de concentration nazis). De plus, le Viêt Minh a récupéré 13 pièces d’artillerie, 125 mortiers, 8000 fusils, 940 pistolets-mitrailleurs et 450 camions.
Le 10 octobre, Constans ordonne l’évacuation de Thât Khê, ce qui est fait le 11, et Carpentier celle de Thaï Nguyên. Le même 10 octobre, Mao, qui, de toute évidence, suit de très près tous les évènements du Tonkin, envoie à Chen le télégramme suivant : « Les forces Viêt Minh devraient se reposer pendant 20 jours à un mois et commencer leur éducation politique. » Il ordonne également l’exploitation de la victoire de Giap en continuant de développer ses forces armées et en renforçant leurs troupes à la frontière de Lao Cai, qu’elles passent ultérieurement pour combattre les maquis montagnards que nous évoquons dans le prochain chapitre sur l’épopée de Châu Quan Lo. Chen conseille à Giap : « N’essayez pas de lancer une autre grande bataille avant longtemps. »
Après le drame, la honte. Dès le 8 octobre, la grande question est : évacuation ou non de Lang Son ? Constans et Carpentier sont pour, car, si la défaite de la R.C. 4 est pour eux un incident certes grave, mais mineur vu l’étendue du théâtre de la guerre, la perte de Lang Son rappellerait trop à Paris les autres désastres de Lang Son au cours de l’Histoire franco-vietnamienne et serait une catastrophe pour leur carrière. Alessandri arrive le 9 et il semble – du moins d’après Constans – qu’il ait dit au colonel que Carpentier approuvait l’opération. Il est décidé que, pour garder le secret de l’évacuation, il ne sera détruit ni les installations, ni les dépôts de toute nature, comme si on pouvait évacuer des milliers d’hommes en catimini. Après un contre-ordre, Carpentier donne l’ordre par un télégramme du 17 de procéder très rapidement comme prévu. Premiers départs le 18 au matin et, le 19, l’évacuation de toute la région est terminée. Au sud de Lang Son sont également évacués deux importants verrous, Loc Binh et Đinh Lap. Le Viêt Minh récupère un butin tellement énorme qu’il approvisionnera une division entière de Giap pendant un an : 1300 tonnes de munitions, 13 canons, 125 mortiers, 10 000 obus de 75, plusieurs milliers de 105 et 155, 160 mitrailleuses, 380 fusils-mitrailleurs, 4000 pistolets- mitrailleurs, 8222 fusils, 60 000 litres d’essence et 450 camions (certaines sources donnent des chiffres beaucoup plus élevés), sans compter les énormes stocks de vivres et d’habillement, l’Intendance de l’Armée française ayant toujours aimé accumuler en distribuant le moins possible. Comme les Viêt n’ont aucun matériel roulant, ce sont, en plus des camions du butin, des véhicules et des coolies chinois qui effectuent le « déménagement » vers la Chine. Tout cela est chargé la nuit, Lang Son est désert dans la journée, l’aviation française bombardant les dépôts de jour pour essayer de les détruire, en vain, le béton est solide. La panique gagne Hanoï, que les civils commencent à quitter, et l’état-major prépare la résistance du « réduit de Haï Phong » pour permettre aux Français d’évacuer le Tonkin ; panique injustifiée car, au lieu de foncer sur la capitale, Giap tergiverse. La panique française est d’autant plus grande que, le 25 octobre, les Chinois franchissent le Yalou, fleuve-frontière entre la Chine et la Corée du Nord, et repoussent les Américains vers le Sud, prouvant ainsi que Mao ne recule pas devant une invasion d’un pays voisin. De plus, Pékin se déchaine contre la France et procède à d’immenses préparatifs militaires. La IIe armée se masse le long de la frontière avec le Yunnan et la IIIe face à Lang Son, installant un énorme état-major à Nanning.
Le 2 novembre, alors qu’il n’a émis aucun communiqué ni visité les rescapés du désastre – il a juste envoyé un rapport à Paris pour essayer de se disculper - Carpentier ordonne l’évacuation de toute la Haute Région encore sous contrôle français. De Phong To à Lao Cai, Cao Bang, Lang Son et Mong Cai, toute la région est maintenant grande ouverte aux bô đoi, qui l’occupent jusqu’à l’orée du delta, et aux approvisionnements chinois, qui se font désormais en convois chinois motorisés au lieu de portage. L’évacuation de Lao Cai a posé un grave dilemme, car c’est la Porte de la Chine la plus importante après Lang Son. Finalement, Carpentier donne l’ordre d’évacuer, ce qui est fait par pont aérien de Dakotas emportant le matériel, les malades, femmes et enfants et, business oblige, des tonnes d’opium. Seul le pays thaï et sa « capitale » Lai Chau, à 80 kilomètres au nord de Đien Bien Phu, ne suivent pas la panique et restent sous contrôle français grâce au seigneur de la guerre thaï Đéo Van Long. C’est une véritable catastrophe pour le Corps expéditionnaire, surtout en ce qui concerne Lao Cai, la vallée du fleuve Rouge étant maintenant grande ouverte jusqu’au delta, et Lang Son, si près de Hanoï. Fin octobre 1950, la guerre d’Indochine est perdue. Sous l’immense jungle, les Français ne verront jamais ni un bô đoi, ni un convoi, et le Viêt Minh pourra attaquer où il le veut par surprise, qu’ils savent rendre absolument mortelle.