Taipeh, un dimanche après-midi. Je déambule dans un temple, appareil photo en bandoulière. Tout à coup, une dame, regard malicieux derrière ses lunettes, me prend d’autorité par la main. Elle m’entraîne vers un bâtiment moderne, au fond de la cour. Nous prenons l’ascenseur. Arrivés au dernier étage, nous traversons une bibliothèque, largement vitrée. Elle ouvre une fenêtre, qui donne sur le temple, et m’invite à contempler les dragons multicolores qui ornent les toits…
C’est un des souvenirs marquants que je garderai de cette île. « Tradition et modernité » : cliché par excellence, que l’on colle d’habitude au Japon. Une étiquette qui pourrait s’appliquer aussi à Taïwan, petit pays aux paysages variés, accueillant, et encore peu connu. Entre nature et culture, je vous en propose ici une sélection d’images et d’impressions.
KAOSHIUNG
Port immense, Kaoshiung est une ville à la fois trépidante et décontractée. Elle se développe autour d’une longue lagune.
Pour traverser la lagune, inutile d’en faire le tour: le plus pratique est d’embarquer à bord d’un ferry. En route, nous croisons un bateau de pêche, qui a conservé la forme d’une jonque. Et en 10 minutes, nous arrivons sur le front de mer, bande de terre étroite comme le lido de Venise. Dans le ferry, comme partout à Taiwan, de nombreux scooters piaffent, impatients de débarquer.
Le bord de mer est très animé. Des jeunes filles nous abordent, carnets en main : elles veulent absolument tout savoir de nos impressions de voyage, et notent scrupuleusement nos réponses. Un peu plus loin, nous croisons un étudiant, qui promène son lapin de compagnie. Nombreux sont les restaurants, gargottes, et les vendeurs de crustacés encore vivants : on peut y acheter des coquillages où s’agite une sorte de Bernard l’Ermite de 3 centimètres.
Tout au bout du lido, se trouve un fort de brique rouge, le fort de Qihou. En face, à l’entrée de la baie, l’ancien consulat britannique, qui date de la fin du 19<sup>ème</sup> siècle. Devant, nous avons pu utiliser cette boîte aux lettres rouge, aux armes de sa majesté. Un délicieux télescopage de civilisations.
Le métro de Kaoshiung est « women-friendly ». La nuit, certaines voitures sont interdites aux hommes, et de plus, des zones des quais sont également réservées aux femmes.
TAROKO
Les gorges de Taroko sont l’un des sites naturels les plus emblématiques de Taiwan. Les avoir parcourues en scooter, le nez au vent, restera un autre de mes souvenirs extraordinaires.
Plusieurs sites sont à parcourir à pied dans ce parc. Le plus connu, le tunnel des neuf tournants, est aussi le plus fréquenté. Cette route ne peut être parcourue qu’à pied, et avec un casque de chantier sur la tête. Amusant de voir la procession des touristes casqués de blanc dans ce décor de marbre…
Le parc de Taroko propose d’autres sentiers de randonnée attractifs. Pour atteindre l’étang de Lian Hua, il faut franchir une gorge abrupte, envahie par la végétation, en empruntant la passerelle suspendue de Jumhei.
Près des gorges de Taroko, nous logeons chez l’habitant. Notre hôtesse se met en quatre pour nous, et nous fait visiter les environs avec sa voiture. Dans le petit village voisin, au fronton de la maison du peuple, on peut voir encore des traces des peuples aborigènes, qui furent les premiers à peupler l’île. Ils ne sont pas sans rappeler les aïnous du nord du Japon.
TAINAN
Tainan est la ville qui évoque le plus la Chine ancienne, elle fut d’ailleurs la capitale de l’île. Elle compte plusieurs monuments bien conservés. A la nuit tombée, nous prenons un verre dans le jardin des Chihkan towers, bâties sur les restes de ce qui fut un bastion hollandais, le Fort Provintia. Grâce à l’éclairage, l’ambiance devient légèrement irréelle, il devient facile de se projeter trois siècles en arrière…
Tainan compte paraît-il plus de mille temples. Nous avons eu la chance de trouver par hasard cette humble église catholique.
Pendant la nuit, petite dépression tropicale : il est tombé sur Tainan quarante centimètres de pluie. Soit la moitié de ce que reçoit Paris en une année… Le système d’égouts me paraît extraordinairement efficace, je ne vois pas une seule flaque dans la rue le lendemain matin. Quant aux locaux, ils ne semblent pas affectés outre-mesure par ces déluges.
LA RELIGION
La religion est bien présente à Taiwan. Témoin le parc de Yang Ming Shan, au nord de Taipeh, qui est accessible en métro+bus. Ses formes arrondies évoquent un peu les volcans d’Auvergne, mais la végétation ici est tropicale. Au bord de cet étang, situé dans le parc, une pancarte stipule qu’il est interdit de procéder à des cérémonies religieuses de lâcher de grenouilles…
Même dans les petits villages, on peut voir un temple soigneusement entretenu, parfois en plein champ, comme ici sur la côte Est. A l’intérieur, les temples chinois sont bâtis sur le modèle du tribunal: le fidèle doit ressentir la solennité du lieu, et craindre le jugement des dieux.
Plusieurs fois, on nous a invités à prendre le thé dans un temple. Pour assurer leur réussite aux examens, les étudiants déposent de jolis papiers roses en forme d’étiquettes. Mais le plus curieux, ce sont ces liasses jaunes votives, qui sont brûlées en grandes quantité dans les fours attenants.
Près de Kaoshiung, se trouve le monastère de Fo Guang Shan, une organisation bouddhiste parmi les plus importantes de la planète. Le monastère est le plus grand bâtiment de son genre. L’extérieur est remarquable avec ses centaines de statues, dont la plus grande est entièrement creuse, et ornée de céramiques. Nous croisons des moines, qui très gentiment nous invitent à partager leur déjeuner.
KENTING
Tout à la pointe sud de l’île, Kenting est la station balnéaire où il faut se montrer. Ici aussi règne une ambiance bonne enfant. C’est à peu près le seul endroit où nous verrons des autochtones aller à la plage, mais très peu se baignent vraiment.
Kenting est aussi un parc national, où nous avons décidé d’aller randonner à pied pour observer les papillons. A peine sommes-nous engagés sur la route, qu’une voiture s’arrête et propose de nous emmener jusqu’à l’entrée du parc. Pourquoi? Parce que mes cheveux sont blancs, et ici, on prend soin des aînés : pas question de me laisser marcher. J’envisage sérieusement de prendre ma retraite dans ce merveilleux pays!
LA CÔTE EST
Si la côte Ouest de Taiwan est très urbanisée, la côte Est, très peu peuplée, est un petit paradis tropical, avec ses montagnes et ses plages désertes. Ici, pas de métropoles : les deux principales, Hualien et Taitung, atteignent tout juste les 100 000 habitants.
Une petite bande côtière est cultivée de manière presque artisanale. Le matin de bonne heure, on peut y voir de nombreuses personnes, vêtues de pied en cap comme des apiculteurs pour se protéger du soleil, occupées à travailler dans les champs. Et ici, le repiquage du riz se fait sous un parasol…
Par la fenêtre du train, j’aperçois des meules de foin. Leur forme rappelle celles du passé, telles que l’on peut encore en voir en Europe de l’Est. La mise en bottes parallélépipédiques n’est pas encore arrivée jusqu’ici !
Dans un de nos hébergements, le propriétaire s’en est inspiré, pour construire dans son jardin cet arrangement très étudié, harmonieux et paisible.
ET LA BOUFFE ?
Je ne voudrais pas terminer sans vous parler de la nourriture. N’hésitez pas à aller parcourir les allées des marchés de nuit, vous y trouverez des couleurs, des saveurs – et des odeurs – qui sortent de l’ordinaire : estomacs sensibles, s’abstenir. Par exemple des serpents vivants (en cage, heureusement), des brochettes d’animaux étonnantes, le célèbre tofu puant, et bien sûr des fruits aux couleurs claquantes – et craquantes. On peut y manger sur le pouce pour pas grand-chose, en se mêlant à la foule. Ambiance de foire garantie!
Il reste beaucoup de petits magasins au contenu parfois inquiétant…
Profitez également d’un séjour à Taiwan pour tester un resto végétarien, comme il n’en existe pas encore à Paris. Je ne vous donne pas d’adresses, vous en découvrirez facilement par vous-même. Un restaurant quand même que je vous recommande à Taipeh : Din Tai Fung, dont la réputation n’est plus à faire. Les meilleurs Dim Sum de la planète, à un prix abordable. La file d’attente peut être longue, mais elle vaut le coup: ne vous laissez pas impressionner, le service est très efficace. Plusieurs succursales à Taipei, dont une sur Zhongxiao, la grande avenue centrale Est-Ouest, très commerçante. Allez-y à plusieurs, vous pourrez ainsi goûter à différents parfums.
C’est beau une ville la nuit. Surtout quand les enseignes portent des idéogrammes indéchiffrables…