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Religions et croyances

Lorsque les premiers hommes peuplèrent ces îles nées de l’incandescence de la terre, ils ne purent que craindre ses cataclysmes.

Cette nature hostile ne put que marquer les esprits ! Il fallait s’en échapper mentalement, inventer des histoires supposées être vraies. Se convaincre que des démons étaient là, au fond des tunnels de lave. Et que, là-haut, au-dessus de la mer de nuages, le mont Echeide reliait l’île, ici-bas, au ciel diurne et nocturne, et à la Lune. Les Guanches de Tenerife étaient en train d’écrire leur mythe, pour expliquer cette nature par des forces... surnaturelles !

Les divinités guanches : du paganisme au christianisme

À Tenerife, les « tunnels de lave », à la façon des couloirs des tombes de la vallée des Rois, entrent en relation avec l’Être supérieur. En l’absence de justifications du massif montagneux, les autochtones ont trouvé une raison dans l’irrationnel, le pic devenant le lieu de connexion à l’au-delà, où se trouve le créateur de cet environnement. D’ailleurs, celui-ci était imploré dans le vaste cirque volcanique de Las Cañadas. Un dieu qui prenait en charge les défunts, embaumés, momifiés et disposés, pour les plus nobles, sur des planches imputrescibles (chajascos). Certes, le Teide était aussi la « sombre montagne » ; sous la terre subsistaient les forces maléfiques...

À Gran Canaria, le cône de Gáldar et le monolithe du roque Nublo ont inspiré à leur façon des grottes-tombeaux, structurées en chambres coloriées. Ainsi, le Bentayga, bel et bien tombé du ciel à la suite d’une explosion volcanique, vit son histoire géologique paradoxalement lui donner une légitimité religieuse : planté là, comme un pilier entre ciel et terre ! Sa fonction centrale le désignait comme l’envers positif des abysses de la Création. Certes dominé par le roque Nublo, il inspira les Canarios qui gravèrent sur sa face occidentale des formules, traçant ainsi un axe virtuel en direction du Teide réémergeant des nuages, comme pour espérer un nouveau départ du monde dans lequel ils vivaient...

Sur El Hierro, en l’absence de ravins, les loas (prières) pouvaient se faire face à la mer, dans un tagoror, un cercle de pierre dont les alentours étaient jonchés de berniques : offrandes ou orgies ? Puis, à l’instar des Canarios qui battent encore la surface de l’eau avec des palmes chargées de dattes, leurs cérémonies ont pris une dimension plus rituelle, offrant des paniers de fruits.

Une chose est sûre : la déesse en laquelle croyaient les habitants d’El Hierro était une Vierge : Moneiba. Le culte de Moneiba/Enaorahan, lui-même issu du mythe d’une peuplade initialement débarquée sur une île isolée, serait celui d’un bâtiment blanc attendu au large comme la révélation de la prophétie d’un devin et dont le soleil, chaque matin, est le symbole !

C’est cette divinité, christianisée, qui est vénérée, de nos jours, lors d’une procession interminable, la Bajada de la Virgen... De village en village, chez ceux d’en bas, chez ceux d’en haut. Avec une lutte sans merci, pour s’arracher la statuette de Moneiba/María, l’implorer pour qu’il pleuve. Et puis, le dernier jour, un grondement exponentiel de tambours. Tous les insulaires, dedans, dehors, dans la petite cathédrale de Valverde, à escorter la Vierge sur son palanquin, pour un dernier voyage. Et ranger l’image dans une chapelle perdue. Pour qu’il pleuve, pour partir. Et revenir : en Argentine, au Venezuela... Là où on a trouvé du travail et une nouvelle famille. Famille, ici, sur l’île, que l’on quitte, les yeux humides, pour 4 ans (la prochaine Bajada de la Virgen aura lieu en juillet 2025)...

Remontée des croyances ancestrales. Et, en fin de compte, survivances d’un mythe. Peuple troublant que l’on surprend à pousser des youyous, à rentrer en transe, même parmi les plus jeunes. Des larmes qui, lorsqu’elles ne sont pas pétrifiées, tombent des yeux, à défaut de tomber du ciel...

À La Graciosa, à La Palma, partout, les processions, les chants, les loas laissent entrevoir des traces de paganisme. Mais la Bajada de la Virgen, à El Hierro, garde,plus qu’ailleurs, quelque chose d’immatériel : Por ver a la Madre amada, no siento la caminada...

Savoir-vivre et coutumes

Le Canarien est très accueillant, attachant et tout autant attaché à sa terre. Le terruño - le mal du pays - ne le quitte pas, même lorsqu’il n’a pas quitté... son archipel, juste exilé qu’il est sur l’une des deux grandes îles ! Lo nuestro, c’est son sentiment nostalgique. Il ne dit pas « le mien » pour son pays, mais « le nôtre ». Comme s’il faisait ancestralement, viscéralement, partie d’une collectivité, celle des insulaires.

Combien de fois des gens, ne vous connaissant pas, s’arrêteront pour vous proposer de vous raccourcir le chemin ? Combien, au-delà de ce chemin, qu’ils vous auront indiqué lors d’une balade, vous inviteront à partager leur repas ? Combien vous feront confiance sans jamais vous avoir rencontré auparavant ? Débarquer aux Canaries, c’est tout de suite se sentir à l’aise. L’archipel de la nostalgie est aussi celui de l’optimisme. Pas de sinistrose, ici ! Tout finit par s’arranger.
Mais... mais à une seule condition : reconsidérer le temps ! La valeur du temps, l’écoulement du temps, le monnayage du temps, font partie d’un autre système : celui de l’ère géologique, tellurique, que vous avez sous vos pieds. Cette chaleur qui monte... et que l’on retrouve dans un « ¡ Hola ! », un « con su permiso » et même, dans le nom du bus : « la guagua »...
Une seule règle : pas de décolleté, ni de chemise ouverte en ville. Pas de nudisme en public. Chapeau bas, cependant, dans les églises, les chapelles et lors des processions.
Enfin, l’île sur laquelle vous êtes est forcément celle que vous préférez, ¿ Verdad ? (n’est-ce pas ?)

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