Le Grand Dérangement
Claude Hervé-Bazin

Tous les Acadiens l’ont en tête. Le « Grand Dérangement » est un traumatisme, qui lie encore tout un peuple. Une épuration ethnique, dirait-on aujourd’hui.

En quelques semaines, en 1755, les Anglais vainqueurs décidèrent de se débarrasser une fois pour toutes de cette population française qui occupait les terres fertiles des abords de la baie de Fundy. Voilà presque un demi-siècle, déjà, qu’ils refusaient obstinément de prêter allégeance à Sa Gracieuse Majesté — craignant de devoir se faire protestants et de prendre les armes contre les Français.

En Acadie, le diable a un nom : Lawrence. Gouverneur de la Nouvelle-Écosse, il choisit de déporter les Acadiens. Des familles déchirées, sans espoir de jamais se retrouver. Fermes brûlées pour l’exemple. Dans la débâcle de ce nettoyage ethnique, la moitié des Acadiens périrent. Tués pour avoir résisté. Morts de faim ou de froid après s’être enfuis dans les bois — où certains eurent la chance d’être aidés par les Indiens Micmacs. Noyés lors du naufrage des vieux navires affrétés pour les emporter.

Tous les musées acadiens se penchent sur cet épisode dramatique. Tous expliquent, aussi, le retour de certains Acadiens, après que Québec fut tombée (1763) et que la France d’Amérique eut cessé d’exister. Ce qu’ils ne disent pas, cependant, c’est le rôle même du Grand Dérangement dans la survivance de la communauté. Sans ce bouleversement unificateur, les Acadiens se seraient peut-être dilués depuis longtemps dans la majorité anglophone.

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Texte : Claude Hervé-Bazin

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