Trek chez les Zafimaniry
Gaston, porteur royal
Parmi eux, un visage aux contours grisonnants, d'une douceur imparable, presque sans âge et qui avait déjà retenu mon attention lorsque Fifi me l'avait présenté. Il s'agit de Gaston dont le nom de famille, Rakotoarison, rappelle l'influence des protestants scandinaves sur certains noms malgaches (le suffixe « son » voulant dire « fils de »). Gaston, né en 1944 à Antoetra, est plus qu'un simple porteur. Il est de descendance royale et possède de la famille dans tous les villages zafimaniry. C'est bien simple, nous explique-t-il, chaque village possède ou possédait une petite royauté et, généralement, le roi ne désirait pas que ses filles quittent le giron familial.
À Antoetra, par exemple, on dit que quasiment toute la communauté est issue d'une seule et même famille fondatrice, celle des Andrianjandrala ! Il faut dire que ce n'est que depuis 1949 que l'on a rétabli un état-civil performant. Comme le rappelle Gaston, les Français, aidés par des tirailleurs sénégalais, brûlèrent le village en réponse à l'insurrection générale de 1947... Agé de trois ans, Gaston se réfugia avec son père dans une caverne pendant toute une année. Il nous raconte que l'on faisait peur aux enfants pour qu'ils ne donnent pas l'alerte et que si les ancêtres ont été sauvés, c'est grâce aux blaireaux qui ont effacé les traces de leurs pieds. Depuis, il est fady (tabou) de manger cet animal dans la région. Le dadabe (l'ancien) de 61 ans a gardé toute sa douceur pour nous dire ça. Pas d'amertume, pas de rancune dans le regard, seulement une petite lueur dans l'œil, mais il s'agit sans doute de la flamme du foyer.
Enfin, en 1972, Gaston est devenu le premier guide du pays zafimaniry (« deux touristes par mois, au début ») avant d'accompagner les « monpère » (les curés), dans les années 1980, venus construire de nouvelles églises dans les villages. Le rhum coule lentement dans les veines et commence à faire son effet. Gaston propose une de ses récitations. Dans un français joliment appris par cœur, il nous décline le Conseil de l'abeille dont la morale, « la pauvreté n'est pas un vice, mais la colère en est un grand », parle à tout le monde par ici. Et puis, n'écoutant que son enthousiasme sans totalement se départir de sa modération naturelle, il enchaîne avec une chanson dont le refrain, « Si tu as la joie au cœur, claque la main ! », est immédiatement repris par le reste de l'équipe, appliquant la consigne à la lettre, trop respectueuse du dadabe, le plus avancé en âge, donc le plus estimable. Ici, on n'attend pas que les anciens deviennent des ancêtres pour leur exprimer du respect.
- Introduction
- On dit que…
- Le pays zafimaniry commence derrière les boutiques
- C'est jour de marché à Antoetra
- Les fameuses chaises en palissandre
- Accroche-toi, vazaha !
- L'école, seule construction en dur de Sakaivo Nord
- La cosmogonie malgache
- Plaisirs terrestres et attaque de Cobra
- Gaston, porteur royal
- Des fenêtres pleines d'enfants
- Faliarivo, bientôt classé par l'Unesco
- Be, Pinocchio zafimaniry
- M. Ralaibia, le tangalamena du village
Texte : Fabrice de Lestang
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