L’Amazonie ! Voilà un nom chargé de mystère et d’exotisme ! Un univers à part, entrevu dans les films et les livres, qui nous faisait rêver et qu’on était impatients de découvrir par nous mêmes. Hors de question, donc, de rater l’occasion et de quitter l’Amérique du sud sans auparavant nous être aventurés dans la jungle amazonienne, ou comme on dit ici dans la Selva !
A première vue, difficile d’organiser soi-même son voyage en Amazonie : les infos sont compliquées à obtenir, tout est fait pour rabattre le visiteur vers des voyages organisés et/ou des séjours en lodge dans la forêt, à des tarifs exorbitants. On s’entête quand même, on glane par-ci par-là les bons conseils qu’on peut réunir, et on se lance, sans idées très précises mais en se disant qu’on s’organisera au jour le jour. Ce qu’on décide dès le départ, c’est de retenir Iquitos comme but du voyage, et d’improviser le reste. Iquitos, c’est la grande ville de l’Amazonie péruvienne, perdue au fin fond de la forêt, à proximité des frontières colombienne et brésilienne. Et si on décide d’en faire notre destination, c’est justement pour son isolement, bien plus que pour la ville en elle-même, qui n’a que peu d’intérêt. Une particularité d’Iquitos : aucune route n’y mène ! Seuls l’avion et le bateau permettent de rallier la ville. L’avion, c’est la solution la plus simple : 2h de vol depuis Lima, rapide, efficace, on change de monde en un clin d’œil. Le bateau, à côté, c’est toute une aventure : 4 jours minimum de navigation ! 4 jours sur les fleuves d’Amazonie, le rio Ucayali, puis le mythique fleuve Amazone… 4 jours au cœur de l’immensité verte, à s’imprégner de l’ambiance, à faire connaissance avec la forêt… Evidemment qu’on allait choisir cette deuxième option !!
Première chose à faire, rejoindre la ville de Pucallpa, située au commencement de la forêt, là où les routes péruviennes se terminent et où les fleuves prennent le relais. Depuis Lima, il faut compter 18h de bus, qui en réalité deviendront 28h car on tombe sur des barrages routiers installés par des producteurs de café qui protestent contre les tarifs ridicules auxquels leur café leur est acheté. 10h plus tard, ils obtiennent l’ouverture de négociations, et nous on peut passer.
On arrive donc à Pucallpa, où on retrouve Fanny, une copine nantaise tombée amoureuse de l’Amazonie et qui y vit depuis plusieurs années. Elle nous donne plein de bons conseils pour la suite de notre périple amazonien, et en particulier celui de se rendre d’abord à Contamana, petite ville à 6h de bateau rapide de Pucallpa, à côté duquel s’ouvre un parc national du nom de Sierra del Divisor, propice à une première immersion en forêt.
Contamana : premiers pas dans la selva
La petite et tranquille ville de Contamana, en bordure du rio Ucayali, encerclée par la forêt, n’est pas désagréable, avec son ambiance décontractée. Les gens sont super souriants et accueillants, et on se sent tout de suite à l’aise. On passe un après-midi à flâner le long du fleuve et autour du marché, avant de rejoindre le lendemain le parc national, qui se trouve à 30 minutes de moto-taxi (au bout de l’unique route quittant Contamana), où on prévoit de passer deux jours.
Arrivés dans le parc, on commence par une bonne demi-heure de marche dans la forêt (une première occasion d’admirer la végétation luxuriante) en compagnie d’un garde forestier qui nous guide jusqu’à une sorte de grande cabane sans murs sur pilotis ; c’est là qu’il est possible de passer la nuit, et on installe notre campement, c’est-à-dire nos deux hamacs et notre moustiquaire. On ne sera pas dérangés par la foule, en fait on est les seuls à dormir là cette nuit, les lieux sont à nous ! Au pied de la cabane, deux ruisseaux se rejoignent : un d’eau froide, l’autre d’eau (très) chaude ; des eaux thermales en pleine forêt, parfait ! On passe quelques heures à faire trempette, tout seuls au cœur de la selva : pas désagréable du tout ! Après une soirée autour du feu de camp, on s’endort dans nos hamacs tout en écoutant les bruits de la jungle…
Le lendemain, réveil très matinal : on a rendez-vous à 5h avec Augusto, le garde forestier qui va nous emmener jusqu’à un endroit où tous les matins, les guacamayos (les aras) viennent manger. Une bonne marche dans la forêt plus tard, on prend place dans la cabane d’observation ; on se camoufle, et on attend ; après un bon moment (on en profite pour faire la sieste), les guacamayos arrivent : 1, 2, 5, 10… bientôt ils sont une bonne cinquantaine à manger et à piailler juste en face de nous, et on ne rate rien du spectacle !
On occupe le reste de la journée à se balader dans la forêt et à re-faire trempette dans les eaux chaudes du rio, avant de reprendre le chemin de Contamana.
La Lancha : voyage dans un autre monde
De retour à Contamana, notre préoccupation, c’est de trouver un bateau pour aller jusqu’à Iquitos. Les bateaux qui font la liaison, les lancha, sont en fait des sortes de cargos – barges qui transportent avant tout des marchandises, et en plus des passagers. La première particularité de la lancha, c’est qu’elle n’obéit à aucun horaire, le départ, c’est quand le bateau est chargé et qu’il y a assez de monde ! Les lancha partent de Pucallpa et marquent l’arrêt à Contamana, mais impossible de savoir quand passera la prochaine ; à quelle heure, mais surtout quel jour, tout ça ne peut pas être anticipé. Il faut se rendre régulièrement à l’embarcadère pour savoir si une lancha est annoncée. Le vendredi soir, de retour du parc, rien, et aucune info pour les jours à venir. Le samedi, on croit savoir qu’il pourrait y avoir un bateau dans la journée, mais finalement non. Le dimanche, on nous dit qu’il ne faut rien attendre avant le mardi, car aucun départ ne se ferait de Pucallpa le week-end. Ce qui complique beaucoup les choses, c’est que personne ne sait rien, mais que chacun a sa théorie : on ne te dira jamais « je ne sais pas quand passe la prochaine lancha », on te dira plutôt « oui oui, demain, vers 16h », alors qu’en fait, NADA… ! Finalement, le dimanche après midi, branle – bas de combat, une lancha est annoncée pour 22h ce soir ! On se poste donc à l’embarcadère, et on attend… 23h, minuit, 1h… rien. Un mec bien informé (encore un) nous affirme que la lancha ne passera pas avant 7h le lendemain, car elle est actuellement amarrée quelque part, et qu’on ferait mieux d’aller dormir et de revenir… On se dit que mieux vaut ne pas bouger (d’ailleurs autour de nous les gens installent leurs hamacs pour patienter), et on fait bien, car quelques minutes plus tard, qui voilà… la lancha !! Embarquement immédiat !
Et c’est parti pour 3 jours et 4 nuits de trajet jusqu’à Iquitos, à travers l’Amazonie. L’ambiance est vraiment particulière, il règne sur le bateau une sorte de torpeur permanente (on ne dort pas très bien la nuit, et le jour, on a l’impression de n’être jamais totalement réveillé !), propice à la contemplation. Sur les rives de l’Ucayali, la forêt défile, interminable. Dans le fleuve, on aperçoit parfois les dauphins gris et roses qui pullulent dans la région. De temps à autre, on passe au niveau d’un village, quelques cabanes en bois tout au plus, totalement perdues dans la végétation. La lancha s’arrête dans la plupart d’entre eux, et à chaque fois, c’est l’évènement, tant pour les passagers qui apprécient de rompre la monotonie, que pour les habitants : tout le village accourt sur la berge, on charge et décharge des marchandises, une file de vendeurs de nourriture monte à bord… On réalise à quel point ces villages sont isolés : dans un sens ou dans l’autre, la première vraie ville est à 2 jours de bateau (moins en bateau rapide, mais il y en a peu et c’est cher pour les habitants), et la vie ici s’organise au rythme des passages des lancha. Et encore, situés en bordure du fleuve, ces villages ne sont pas les plus isolés, les bateaux les connectent au reste du monde ; on ne peut qu’imaginer la vie particulière dans les villages éloignés des fleuves.
Outre l’observation du paysage, l’autre intérêt de la lancha c’est les multiples rencontres dont le voyage est émaillé. La présence de gringos (le terme n’est pas péjoratif) étonne (on n’est que 6 sur environ 200 passagers, il y a aussi à bord deux Italiens et deux Suisses), et nombreux sont les gens (et les enfants !) qui viennent nous parler, pour en savoir plus sur ce qu’on fait là, ce qu’on pense du Pérou, de l’Amazonie, nous poser des questions sur la France… Nombreux aussi sont ceux qui tiennent à nous aider ou à s’assurer que tout va bien pour nous : on nous file un coup de main pour raccrocher le hamac, on vient nous prévenir que c’est l’heure de la bouffe… Au final on a l’impression d’avoir parlé avec quasiment tout le monde sur le bateau, les échanges sont nombreux, facilités aussi par la promiscuité.
Car du point de vue du confort, la lancha c’est le niveau 0 de ce qu’on peut imaginer. En fait, c’est difficile à décrire : 200 personnes entassées sur le pont, une multitude de hamacs dans tous les sens, dont les cordes s’entremêlent, des matelas sous les hamacs pour les enfants, une montagne de sacs et de bagages en tout genre, ajoutés aux marchandises diverses et variées du bateau (matériel, bouffe et en particulier quelques tonnes… d’ail !) Quant au bateau lui-même, c’est une ruine… des pans de rouille se détachent des parois, on se demande comment il fonctionne encore ! Et quand il pleut (on est au début de la saison des pluies), c’est l’inondation générale : il n’y a pas de fenêtre aux ouvertures dans les parois, on tend bien quelques bâches, mais l’efficacité est relative, surtout quand le vent se met à souffler (D’ailleurs à un moment la tempête se déclenche alors qu’on arrive à un village, et on se prend carrément la rive de plein fouet… Le choc surprend, mais pas de dégât). Mais bon, la pluie c’est pas grave, à la fin de l’averse le soleil sèchera tout ça !
Aucun confort, donc, mais tout le monde ici voyage avec la lancha, car au moins, c’est pas cher : 100 soles (30 euros) les 4 jours de voyage, avec tous les repas inclus (Il faut juste prévoir sa gamelle. La bouffe est basique, le repas type c’est bouillon de poulet ou poulet-riz-banane, mais au moins c’est frais, les poulets sont exécutés et plumés à bord !!).
Bref, une chose est sûre, le voyage en lancha c’est vraiment spécial !! On ne le ferait pas tous les jours, mais c’est une expérience à part (qui d’une certaine manière n’est pas sans nous rappeler nos 4 jours dans le transsibérien) qu’on ne regrette pas et qu’on n’est pas prêts d’oublier.
Iquitos, au bout du monde
On débarque un beau matin, tôt (vers 5 h du mat’…) à Iquitos, la (grande : environ 200.000 habitants) ville de l’Amazonie péruvienne. Ici, c’est le bout du bout du Pérou, en fait un bout de Pérou qui n’a que peu à voir avec le reste du pays. Un centre ville doté de belles (mais défraichies) demeures du 19<sup>e</sup> Siècle, un quartier (Belen) de cabanes en bois sur pilotis dans une zone inondée pendant la saison des pluies, un marché ultra-animé où se vendent quelques-uns des produits spécifiques de la région (viande de crocodile, de tortues, énormes poissons pesant jusqu’à 20 kilos, fruits du coin tels que le camu camu ou encore l’aguaje…), une promenade assez agréable (le Malecon) face au fleuve pour passer la soirée autour de quelques piscos sour (après la lancha ça fait plaisir)… Et c’est à peu près tout. Mais si on vient à Iquitos, c’est surtout pour en faire notre point de départ avant une incursion dans la forêt, puisque, comme on l’a dit, la ville est totalement cernée par la jungle et totalement coupée du reste du monde.
Réserve Pacaya Samiria : deux jours en immersion dans la selva
Les possibilités d’excursions sont nombreuses, et les agences de guides plus nombreuses encore. On passe un bon moment à en choisir une qui nous inspire un peu confiance (à Iquitos, c’est du grand n’importe quoi), et on opte pour deux jours du côté de la réserve Pacaya Samiria, une énorme portion de jungle (2 millions d’hectares) où la biodiversité est particulièrement protégée, et où les chances de voir différentes bestioles sont plus importantes.
Il faut 5 heures pour rejoindre l’entrée de la réserve : 1h30 de voiture pour rejoindre le port de Nauta, à 100 kilomètres d’Iquitos (c’est la seule et unique route de la région), puis 3h30 de bateau sur le rio Marenon (affluent de l’Amazone). On part avec un guide, Jonathan, et avec un conducteur de pirogue, Viktor, et on rejoint un hameau à l’intérieur de la réserve (Buenos Aires, mais rien à voir avec la capitale argentine !) qui sera notre camp de base pour ces deux jours.
Au programme, marches dans la jungle à la recherche des petites bêbêtes (on trouve des singes, un petit paresseux, et même une anguille électrique ! Et puis un énorme hibou à crête -en fait, mise à jour, c’est une « buse harpie »-, des piverts…), balades en pirogue sur le rio (l’occasion de voir encore d’autres oiseaux : hérons, martins-pêcheurs, faucons…) , pêche au piranha (ouais, même qu’on s’en n’est plutôt bien sortis, et on a pu goûter nos piranhas au barbecue !), baignade avec les dauphins (et avec les piranhas, mais en fait ils n’attaquent pas l’homme, à moins qu’il y ait beaucoup de sang), promenade nocturne dans la jungle (on en connait une qui ne faisait pas sa maligne, surtout quand le guide à dit : « allez, on va chercher les araignées », avant d’ajouter : « y’a pas spécialement de règles de sécurité, juste regardez bien où vous marchez et surtout, surtout n’attrapez rien à la main »), déluge amazonien (on s’est pris une de ces averses… Le genre où après tu essores tes fringues et tu vides tes bottes des quelques litres qu’elles ont récupérés)… Bref, un super programme ! La seule déception, c’est qu’on n’a pas réussi à trouver les alligators qu’on a pourtant cherchés avec attention le long du rio… Mais la nuit était trop claire, ils ne sortent que par nuit noire… Pas d’anaconda non plus, mais là on nous avait prévenu que c’était très compliqué… Tant pis !
On repart enchantés de cette excursion, bien fatigués aussi : la découverte de la jungle, ça se mérite, et on le paye entre autres de plusieurs dizaines de piqûres de moustiques ! La suite : retour à Iquitos, puis le lendemain, à Lima… En avion cette fois !!
Pour retrouver une version vidéo de notre exploration de la Selva péruvienne, rendez vous sur notre blog de voyage !