Bonjour,
Je commence aujourd’hui le récit des joyeuses aventures et mésaventures de deux vieilles randonneuses bivouaqueuses , récit long comme leur voyage en train, en bus et en ferry et lent comme la marche de deux mules trop chargées .
Je présenterai d’abord, comme il se doit les deux héroïnes .
Nous sommes toutes les deux, Théodorine et moi, issues de la bande de Robin Hood de Fontainebleau Sherwood, qui fut un grand maître de la randonnée bivouac " souvent hors sentier, en terrains variés pouvant être neigeux, pentus, pierreux, touffus et présenter quelques escalades
faciles " pour reprendre les termes des papiers qu’il nous distribuait lors des sorties dominicales pour que nous nous inscrivions aux randonnées en montagne estivales . Il nous habituait à passer partout, et à dormir partout , sous la tente, à la belle étoile , sur des crêtes rocheuses où nous devions nous aménager des lits confortables pour contempler le coucher du soleil, sous des auvents de rochers largement pourvus de gouttières, au milieu des buissons, et aussi en cas de grosses intempéries dans des cabanes menaçant ruine où les anciens occupants appartenant au règne animal n’avaient pas forcément eu la délicatesse d’effacer toute trace de leur passage. Bref, nous étions habitués à tout et à vivre cela avec une humeur joyeuse entretenue par des discussions et plaisanteries improbables d’inspiration scientifique , métaphysique ou purement fantaisiste . Ce fut une véritable chanson de geste , s’étendant sur plusieurs dizaines d’années, plus proche à vrai dire des Monty Python que d’oeuvres littéraires plus sérieuses .
A ces expériences ne manquait que celle du spongieux, les tourbières n’occupant qu’une place marginale dans les montagnes que nous fréquentions . Je parle ici du spongieux de haut niveau, que nous avons eu l’heur de découvrir en Ecosse .
Théodorine, je l’appelle ainsi à cause de Théodore Monod, ce qui la flatte, est naturaliste de formation. Cela lui permit ,un jour loù nous passions en raquettes le col du Longet dans le Queyras, de nous parler de la péridotite serpentinisée, roche du manteau océanique aloin . Elle a pu s’en donner cette fois-ci à coeur joie à examiner le gneiss lewisien et à découvrir, ce sont je parlerai plus tard dans le cours de ce récit, une nouvelle roche métamorphique . Elle est plus agile, et plus résistante que moi , appartenant à l’espèce des fourmis qui transportent des charges énormes ,et porte en fin de compte sans grand dommage le tiers de son poids alors que je peine sous une charge qui atteint le quart du mien . Triste manifestation de la sarcopénie sénile ! En ce qui me concerne , une sérieuse reprise en main est nécessaire .
Théodorine a déja fait quatre randonnées en Ecosse en ma compagnie, de 2010 à 2015 . Elle n’a pu faire la cinquième , étant assignée à résidence par une vieille chatte caractérielle et diabétique qui n’acceptait que d’elle ses deux piqûres d’insuline quotidiennes.
Quant à moi Calamity , j’en suis à la sixième . Je n’ai guère pour qualité qu’une rusticité certaine , une aptitude assez développée à me repérer dans les réseaux et horaires -théoriques -des chemins de fer , bus, bateaux et même téléphériques , mais surtout , je suis la chroniqueuse de nos aventures .
Pour achever la présentation des protagonistes de cette histoire, je vais sacrifier pour la première fois à la mode contemporaine et livrer de nous deux un portrait en pied qui permettra aux lecteurs de mieux nous connaître .
Théodorine
Et moi Calamity.
A suivre