Culture, arts et visites Sumatra
Chaque capitale provinciale compte au moins un musée, d’autres sont installés dans des lieux significatifs culturellement. Ne pas s’attendre à des trésors de muséographie, mais les efforts réalisés rendent intéressantes les visites, d’autant plus que l’histoire, l’art et la culture auxquels ils sont consacrés disparaissent dorénavant très vite dans l’Indonésie moderne.
Le musée de Medan aborde notamment les régions batak (lac Toba, pays Karo, Pakpaks, etc.) et l’île de Nias, où le remarquable musée de Gunung Sitoli, œuvre du pasteur allemand Hammerle, rattrape un peu du mal fait à la culture locale par une évangélisation brutale. Celui de Padang s’attache au pays Minangkabau et possède une section consacrée aux îles Mentawai.
De la période hindoue bouddhique ne subsistent que quelques ruines – les plus importantes sont à Padang Lawas, environ 400 km au sud de Medan, des inscriptions comme celle de Batu Basurek dans le pays Minang, en vieux script Palava indien et des artefacts, comme les Makara aux têtes d’éléphant et corps de poisson (9-11e siècles après J.-C.), gardant les entrées des temples.
Les cultures datant d’avant les conversions à l’islam ou au christianisme, et dont certains aspects survivent dans l’architecture et transpirent dans les coutumes, apportent leurs richesses aux voyages sumatranais.
La culture Minangkabau
La survivance de l’organisation semi-matriarcale, de l’architecture et de coutumes typiques, en dépit d’une pratique de l’Islam plutôt rigoriste, témoigne de la forte culture de ce peuple.
L’architecture Minangkabau se reconnaît immédiatement aux maisons traditionnelles Rumah Gadang, dotées de toits « gonjong », incurvés en forme de cornes de buffle. Ces ruminants sont au cœur de la culture Minang, depuis la légende d’une compétition victorieuse contre le royaume de Majapahit.
Quand ils ont survécu, ces toits ornent à la fois les maisons de particuliers, mosquées traditionnelles (Masjid Bingkudu, à 18 km à l’est de Bukittinggi par exemple), les anciens lieux de réunions et les palais, avec un effet crescendo, répétant longitudinalement jusqu’à cinq fois cette structure. Autre élément remarquable, la richesse et la variété (une centaine de motifs différents) des panneaux sculptés ornant les murs.
Le musée de Padang abrite de belles maquettes de rumah gadang, malheureusement mal mises en valeur, une salle consacrée à leurs matériaux et frises décoratives et une collection d’artisanat Minang.
En excursion « rumah gadang » dans le haut pays Minang, il faut visiter le palais Istana Basa Pagaruyung, l’ancien siège des Minang, arpenter le village de Rao Rao, à 15 km de Batu Sangkar, etc. Les explorateurs engagés sur la route de Kerinci s’arrêteront à Koto Baru (district de Sungai Pagu, 141 km au sud de Padang) où les « 1 000 Rumah Gadang » rappellent le temps où tout le monde vivait en maison traditionnelle.
À voir absolument, les courses de buffles Pacu Jawih se déroulent sur des rizières en eau où les pilotes surfent acrobatiquement sur l’extrémité des jougs d’une paire de buffles dont ils assurent tant bien que mal le parallélisme. Il ne s’agit pas d’aller le plus vite, mais le plus droit et élégamment... Spectaculaire, projection de boue garantie, ces évènements aussi touristiques qu’authentiques sont organisés le samedi dans divers districts du haut pays Minang (voir l’agenda culturel de Sumatra).
La culture Batak
Du peuple Batak, on connaît surtout ceux du lac Toba. Pourtant cinq autres groupes appartiennent à cette famille linguistique et culturelle : les Karo de Berastagi au nord, les Pakpak (ou Dairi), à l’ouest du lac, les Angkola et Mandailing au sud-ouest et les Simalungun à l'est. En tout, 7 millions de Batak vivent dans le nord de Sumatra, plus probablement autant d'émigrés dans le reste du pays et au-delà, la tradition batak incitant à tenter sa chance ailleurs. La plupart des Batak ont été convertis au protestantisme au 20e siècle pendant la colonisation hollandaise, à l’exception d’un tiers de musulmans, quasiment tous les Mandailing, et une partie des Karo.
Au musée de Medan, on réalise la richesse de la culture et des arts batak : maisons imposantes et élancées à la fois, sans aucun clou, juste ligaturées de rotin, ce serait plus sûr en cas de tremblements de terre ; vêtements blanc, rouge et noir, décorés de liserés représentant des animaux, fruits, lianes et singa singa – l’animal fantastique des batak, à la fois buffle, humain et reptile – ; cornes sculptées de figurines et remplies de cendres humaines pour protéger le village ; étonnants livres carrés en écorce d’arbre, pliés en accordéon, dont les textes en alphabet batak énoncent les jours auspicieux d’une encre de bois brûlé ; baguette magique Tongkat des chamans, sculptées de têtes et chevaux, servant à secouer les esprits en frappant le sol, etc.
Les bataks du lac Toba
Sur la grande presqu’île de Samosir, « l’île des morts », mais… superbe lieu où les voyageurs résident, visiter à Tomok le musée, les maisons et tombes du roi Sidabutar, à Huta Siallagan (proche d’Ambarita, Huta signifie village et clan), le village royal entouré d’un mur en pierre, où s’élèvent de belles maisons traditionnelles et deux assemblées de chaises et tables en pierre bicentenaire (les batu parsidangan, « pierres de réunion et jugement ») disposées sous un banian sacré. À voir aussi au fil des rives, des maisons typiques, des tombes et mausolées étonnants, en forme de phares ou surmontées de sculptures naïves représentant les enterrés.
Les batak karo
Hormis la poignée de maisons typiques des villages de Lingga et Dokan, c’est bien au musée de Berastagi, installé dans une ancienne église, qu’on se fait la meilleure idée de la culture karo, aujourd’hui en voie de disparition. Les maquettes et photos de maisons karo, ressemblant à celles des Batak Toba en moins élaborées, rappellent qu’elles furent plus grandes autrefois, agrémentées de petits pavillons fichés sur la toiture. À voir aussi, les tressages, l’habillement, d’énigmatiques effigies protectrices, baignées pour que viennent les pluies et censées parler à l’arrivée d’un ennemi, les masques, armes, boîtes à bétel, instruments de musique et emblématiques ornements padung padung, représentant deux mille-pattes enroulés, de manière à symboliser le sexe féminin.
Culture animiste et mégalithique de l’île de Nias
La culture mégalithique fut omniprésente à Sumatra. On a trouvé des vestiges datant de deux millénaires. Pour survivre jusqu’à nos jours, les terres se devaient d’être éloignées. Comme sur l’île de Nias, habitée par un peuple qu’on pense lié à ceux d'îles océaniennes bien plus à l'est, au-delà de la Papouasie, qui fascina les explorateurs et ethnologues pour l'architecture unique de ses maisons, l'expressivité de son art et la place prépondérante donnée aux rites (mégalithes, féroces chasses aux têtes autrefois…).
De nombreux musées prestigieux exhibent des pièces venant de Nias. À Paris, quai Branly, la statuette « adu » aux supposés pouvoirs surnaturels, symbolisant l'âme d’un défunt et réceptacle des offrandes du clan avant les cérémonies de plantation, est célèbre pour avoir été photographiée par Man Ray.
À Sumatra, on commencera par la visite du musée de Medan, où sont exhibés de magnifiques cercueils en bois ornés de têtes de lasara – l’animal mythique de Nias, au large nez, bec de calao tourné vers le bas, dents de cochon, cornes de cerfs et grandes oreilles, collier de guerrier autour du cou et boucle d’oreille à l’oreille gauche. Il s’agit de la partie sans corps, autrefois à l’air libre, au-dessus du véritable cercueil enterré. Plusieurs statuettes « adu », des chaises-cerfs Osa Osa et quelques maquettes de maisons de Nias.
C’est toutefois au Museum Pusaka à Gunung Sitoli (île de Nias) que se trouve la plus belle collection consacrée à l’île. Parmi les magnifiques maquettes des maisons de l’île – leur style varie selon les régions –, les nifolasara du sud de Nias, portent l’ancien nom des bateaux et les évoquent fortement, surtout celles des chefs avec leurs ornements de proue. Une étrange paire en V caractérise les imposants piliers, dit-on pour les tremblements de terre.
Au fil de la visite défilent des pièces remarquables : armures en peau de crocodile, épées de parades Tolögu gravées d’animaux mythiques et au fourreau agrémenté de boules de rotin Ragö, remplies d’objets magiques et empoisonnés – décorées de dents et poupées de porcelaines chinoises, elles transmettent pouvoir et force au guerrier, jusqu’à le rendre invulnérable, car... invisible ; anciens cercueils verticaux de la région de Gomo, où le défunt était assis ; autres cercueils nifolasa en forme de barques avec effigies ; statue-presse à canne à sucre ; sièges Osa Osa (à voir au musée Branly), de pierre ou de bois et en forme de cerf, où s’assoit l’organisateur d’une fête des mérites ; panneaux de portes et autels des anciens sculptés ; ustensiles et tissages de fibres et d’écorces (peu ou pas de coton sur l’île).
Après la vitrine consacrée à la chasse aux têtes et à la magie, ses têtes en bois avec un bras, amulettes, fouets empoisonnés et poupées magiques, les superbes photos de guerriers de Nias prises par l’explorateur italien Modigliani à la fin du 19e siècle nous rappellent que ce monde a bien existé.
La cour intérieure est colonisée par des mégalithes et de nombreux microlithes, petites sculptures de coqs en général, parfois d’aigle, calao ou cerf, symbolisant un noble, perché au sommet d’un mégalithe de 1 à 3 m de haut, comme il l’est en société.
De cette culture hors du commun pour une terre aussi perdue survivent encore quelques vestiges sur le terrain, plus ou moins protégés.
Les villages les plus intéressants sont : Bawamataluo, sur un très beau site en belvédère, à 20 km de Teluk Dalam/Sorake, où la maison du roi est en très bon état, avec ses décorations intérieures (effigies de crocodiles, poissons et singes), panneaux sculptés et trône du roi ; le beau village d’Hilisimetano, à nouveau proche de Sorake ; celui de Botoniletano, juste au-dessus de cette dernière et Hilinawalo Mazingo où la maison du roi a 350 ans et un toit encore en chaume, d’atmosphère particulière, mais difficile d’accès, à 30 km de Teluk Dalam par une route abîmée.
Les villages du sud conservent leurs pierres trapézoïdales de saut. D’environ 1,80 m de haut, autrefois surmontées de piques (!), elles servaient d’entraînement aux guerriers pour franchir les enceintes des villages et récolter des têtes. Un niha – habitant de Nias – ne devenait un adulte qu’après avoir coupé la tête d'un ennemi. Cette pratique, tout comme l'esclavage, disparut vers 1930, avec la christianisation en masse de l'île.
La région de Gomo est la plus riche en mégalithes, notamment autour de Tetegewo, moyennant parfois des marches dans la forêt. Autre option, la côte ouest remontée depuis Sorake vers Olayama, à env 3 km de la capitale Amandhana du district de Lelewahu, ou encore Sirombu, Onolimbo, autant de lieux où il vaut mieux aller avec un guide.
La culture chamanique des hommes-fleurs Sikerei de l’île de Siberut
À environ 130 km au large de Padang, les îles Mentawai comptent 4 îles principales : Siberut, la plus grande et célèbre pour ses hommes-fleurs et chamans, Sikora, où se trouve la capitale Tua Pejat et les îles Pagai, nord et sud.
Autrefois, Siberut, d’une superficie de 7 000 km² et sans sommet à plus de 500 m, n’était que du vert vu des côtes, un assemblage de forêts tropicales, mangroves et marécages. Appelés hommes-fleurs, car aimant s’en orner afin que leurs âmes apprécient leurs corps, les habitants vivaient à l’intérieur, proches de rivières baptisant leurs villages. Si l’île est protégée par un parc couvrant un tiers de sa superficie, elle est en fait victime de déforestation.
Treize dialectes austronésiens sont parlés sur les Mentawai, 11 rien que sur Siberut, dont l’isolation permit le développement d’une culture unique, incarnée pas les chamans sikerei qui en sont les gardiens.
Avant d’aborder Siberut, on suggère un tour au musée de Padang qui lui consacre une section honorable (artisanat, photos, panneaux).
À tendance patriarcale, la société est centrée autour de la Uma, la grande maison dont le chef « rimata », un ancien, prend soin et où il organise des célébrations. Tout le monde vit dedans jusqu’à ce qu’elle soit pleine. On construit alors de petites maisons alentour, avant de fonder une nouvelle colonie ailleurs.
Une société chamanique
Si la plupart des habitants des îles Mentawai sont aujourd’hui chrétiens ou musulmans, la croyance chamanique sikerei est toujours vivante sur l’île de Siberut.
La « religion » des habitants de Siberut s’appelle « Arat Sabulungan ». Tout dans la nature – chat, singe, bois, eau, vent, rochers, lune, etc. – possède une âme comme les humains. Trois esprits occupent l’univers : Taikamanua dans le ciel, Taikapola sur la terre et Taikabaga sous la terre. Affectant tous les aspects de la vie, ces derniers motivent des cérémonies punen, dirigées par les chamans pour équilibrer les influences et régler les problèmes. D’autre part, tout mauvais traitement infligé aux hommes, animaux ou plantes irrite les taika. De fait, l’harmonie avec l’environnement, l’extérieur, est aussi importante que son propre équilibre.
Pour prévoir une saison, le succès d’une chasse ou le futur d’une personne, les chamans lisent dans les intestins de poulet ou le cœur des porcs, y examinant la course et la forme des vaisseaux sanguins. Ils observent aussi la course des étoiles, celle des serpents, écoutent les cris des animaux et le chant des oiseaux, comme à Bornéo.
Subsistance et économie
La nourriture principale consiste en sago, taro, bananes et, pour les protéines, le porc, le poulet, les coquillages et poissons, les singes et cerfs qui sont chassés. Le riz n’était pas traditionnellement cultivé, ni l’irrigation utilisée.
Longtemps, l’économie se limita au troc des richesses de l’île (espèces précieuses d’arbres, poudre d’agarwood). Ces dernières disparaissent dorénavant rapidement. Autant que possible, tous les objets étaient fabriqués avec les matériaux disponibles sur l’île, d’où un artisanat d’une grande richesse et ingéniosité.
Arts et artisanats
Sculpture, danse et peinture sont principalement inspirés par l’environnement naturel, à savoir la forme des animaux et l’imitation de leurs mouvements. Les tatouages, des successions de lignes continues ou de points, droites ou incurvées, furent omniprésents chez les hommes et les femmes. Ils ne sont quasiment plus portés que par les vieux et les chamans. La taille des dents a été abandonnée.
Culture Baba-Nyonya
Si Singapour, Malacca et Penang sont les piliers de la culture baba-nyonya (« papa-maman ») également appelée peranakan (« métis » en Malais) ou encore… Straits Chinese (Chinois du détroit de Malacca), la côte est de Sumatra bordant justement ce détroit fut sous grande influence, et même l’île entière, à travers des ports comme Padang.
Présents en Indonésie depuis le 17e siècke au moins, d’abord marins et commerçants, les Chinois ne furent autorisés à quitter le pays qu’après la seconde moitié du 19e siècle, les baba-nyonyas régionaux se marièrent en priorité avec des femmes non musulmanes d’Indonésie.
L'adoption de coutumes et traditions malaises caractérise les peranakan. S'y ajoute une fascination pour les colonisateurs anglo-saxons et hollandais. Le « baba malay », leur créole sino-malais, a quasiment disparu comme parlé mais subsiste à travers ses mots. Fusion de chinois, de dialectes du Fujian et d’un malais teinté de variantes locales, on l’appelle aussi pasar malay, (malais des marchés).
La finesse de l'artisanat peranakan (mobilier, joaillerie, broches Kerongsang, etc.), de l’habillement et de son penchant pour les couleurs vives, motifs floraux et animaliers des sarong et blouses kebaya, ayant pour origine les costumes indo-portugais de Goa puis les vêtements des hollandaises d’Indonésie, a marqué toute la région. Les shophouse, autres bâtiments sino-coloniaux et la cuisine baba-nyonya témoignent des richesses et de l’éclectisme qui font le bonheur touristique de nombreuses villes de la péninsule malaise.
Si la présence de cette culture est ici plus discrète qu’en Malaisie ou forcément à Singapour, leur « terre sainte », c’est du fait de l’histoire. Il n’en va pas de même pour l’influence économique. Du fait de l’absence de troubles majeurs ces dernières années, et malgré la tendance à l’islamisation du pays, une réappropriation de l’héritage baba-nyonya est toutefois en cours.
Toutefois à Sumatra, beaucoup de l’architecture sino-coloniale a été détruite récemment par la fièvre immobilière galopante. Mais tout n’a pas disparu, une balade attentive à Medan ou Padang vous en convaincra.
D’ailleurs… Si le richissime Cheong Fatt Tze, mort en 1916 et surnommé le « Rockfeller de l'Orient », parti sans le sou de Chine à 15 ans, porteur d’eau à Jakarta, incarnant mieux que personne la trajectoire fulgurante des tycoons de la diaspora, est célèbre pour sa Blue Mansion de Georgetown… Surprise ! On le retrouve à Medan, sous le nom de Tjong A Fie, avec une superbe résidence, ici aussi de plan chinois, mais de style et déco typiquement sino-coloniale et baba-nyonya.
Musique sumatranaise
S’y distingue le dondang sayang, joué avec un mélange d’instruments européens (viole portugaise, accordéon) et malais (tambour, etc.).
Visites à Sumatra
Horaires habituels des musées : mar-sam de 8/9 h à 17h, avec parfois 1h de pause au déjeuner. Les sites particuliers comme le palais Minangkabau de Pagayurung ont des horaires étendus.
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