La Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu, le 26 octobre 2023, un arrêt dans l’affaire Latam C-238/22 qui ne manque pas d’intérêt. Lien vers cet arrêt :
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=279123
Le dispositif de cet arrêt est le suivant :
« Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :
1) L’article 4, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, […] lu en combinaison avec l’article 2, sous j), du règlement n° 261/2004,
doit être interprété en ce sens que :
un transporteur aérien effectif, qui a informé à l’avance un passager qu’il refusera de le laisser embarquer contre sa volonté sur un vol pour lequel ce dernier dispose d’une réservation confirmée, doit indemniser ledit passager, même si celui-ci ne s’est pas présenté à l’embarquement dans les conditions fixées à l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement.
2) L’article 5, paragraphe 1, sous c), i), du règlement no 261/2004
doit être interprété en ce sens que :
cette disposition instaurant une exception au droit à indemnisation des passagers en cas d’annulation d’un vol ne régit pas la situation dans laquelle un passager a été informé, au moins deux semaines avant l’heure de départ du vol prévue, que le transporteur aérien effectif refusera de le transporter contre sa volonté, de sorte que ce passager doit bénéficier du droit à indemnisation pour refus d’embarquement prévu à l’article 4 de ce règlement. »
Il y a lieu, par conséquent, de noter que, dès lors que le passager a été informé, même plus de deux semaines avant, qu’il ne pourra pas embarquer sur un vol pour lequel il dispose d’une réservation confirmée, il n’est nul besoin qu’il se présente à l’embarquement pour qu’il ait droit à l’indemnisation pour refus d’embarquement prévue par les articles 4 et 7 du règlement 261/2004 du Parlement Européen et du Conseil (250, 400, ou 600 euros).
Quelques explications sur ce cas :
La passagère avait réservé auprès de Latam Airlines des vols aller-retour entre Francfort-sur-le-Main (Allemagne) et Madrid (Espagne). Le vol aller était prévu pour le 22 décembre 2017, le vol retour pour le 7 janvier 2018.
Face à l’impossibilité de s’enregistrer en ligne sur le vol aller le 21 décembre 2017, la passagère a contacté Latam Airlines. Cette dernière lui a alors indiqué qu’elle avait, unilatéralement et sans l’en informer préalablement, modifié sa réservation en la transférant sur un vol antérieur, qui devait être effectué le 20 décembre 2017. Lors de cette communication, Latam Airlines a également informé la passagère que sa réservation pour le vol retour du 7 janvier 2018 avait été bloquée, au motif qu’elle n’avait pas pris le vol aller.
En conséquence, la passagère a réservé auprès d’un autre transporteur aérien tant un vol aller qu’un vol retour et a payé 528,23 euros les billets correspondants. Avant l’engagement du litige au principal, Latam Airlines lui avait toutefois remboursé un montant de 101,55 euros.
Par un jugement du 2 septembre 2021, l’Amtsgericht Frankfurt am Main (tribunal de district de Francfort-sur-le-Main, Allemagne) a condamné Latam Airlines à verser à la passagère, à titre de dommages-intérêts, une somme de 426,68 euros, correspondant au solde du coût de ces billets, ainsi qu’une indemnisation de 250 euros en vertu des articles 5 et 7 du règlement no 261/2004. Cette juridiction a en effet considéré la modification de la réservation du vol aller que devait assurer Latam Airlines comme une annulation. Sur ce point, ce jugement était devenu définitif.
La Cour de Justice de l’Union Européenne ne s’est donc pas penchée sur le cas du vol aller, déjà réglé par la justice allemande. Elle ne s’est penchée que sur le cas de la réservation retour, laquelle a été annulée, conformément à une solide habitude de la plupart des compagnies aériennes, au motif que la passagère n’avait pas effectué le vol aller.
Il faut retenir de cette affaire que ce n’est que verbalement que la compagnie aérienne a informé la passagère que l’embarquement sur le vol retour lui serait refusé, mais que, vu les circonstances, cette information verbale était suffisante pour que la passagère ait droit à l’indemnisation pour refus d’embarquement, même si elle ne s’est pas présentée à l’embarquement, et même si cette information verbale a été donnée plus de 14 jours avant l’heure du vol en cause.
Il faut bien noter l’importance d’un échange, même seulement verbal, entre la compagnie et le passager, informant ce dernier qu’il ne pourra pas embarquer sur le vol retour.
Voilà qui remet sérieusement en cause l’habitude de nombreuses compagnies aériennes d’annuler le vol retour si le vol aller n’a pas été effectué.
Cordialement