En descendant l'Amazone

Un ciel d'orage noir, surchauffé et électrisé, recouvre la plus grande forêt tropicale du monde : l'Amazonie. Parti de São Paulo, notre avion approche de Manaus, capitale de l'État d'Amazonas, en traversant une cohorte de nuages amoncelés, avec des formes qui rappellent de curieux châteaux d'eau. Le grand oiseau métallique de la compagnie brésilienne descend enfin vers la terre, par à-coups. Le ciel se prépare à déverser ses averses bienfaitrices.

J'adore la pluie comme un primitif qui vénère un élément naturel. Le monde d'en dessous que j'aperçois depuis le hublot aurait enchanté l'écrivain Henri Michaux, que j'ai bien lu avant de partir. Lequel Michaux carburait à l'éther sur sa pirogue, prétendant n'avoir jamais vu le fleuve Amazone, faute de ne l'avoir pas vu depuis un avion. Et pourtant dans sa jeunesse (au cours de l'hiver 1928), le plus illuminé des poètes avait bel et bien descendu des milliers de kilomètres sur le grand fleuve jusqu'à son embouchure.

Des souvenirs de manuel scolaire me reviennent. J'avais appris à l'école que l'Amazonie appartient à la famille des grands paysages fondateurs du globe terrestre avec le désert du Sahara et la chaîne de l'Himalaya. La cime des arbres forme une masse verte et frisée sur des centaines de kilomètres : c'est l'image de la forêt primaire, à la fois sombre et lumineuse, immense et inquiétante, sans limites, sans début et sans fin, comme au premier jour de la création.

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Texte : Olivier Page

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